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CULTURE GÉNÉRALE 2 CONFÉRENCES D'ACTUALITÉ Université de Montpellier Département de science politique Licence 2 – Semestre 4 Julien BOYADJIAN –

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1 CULTURE GÉNÉRALE 2 CONFÉRENCES D'ACTUALITÉ Université de Montpellier Département de science politique Licence 2 – Semestre 4 Julien BOYADJIAN – julien.boyadjian@umontpellier.fr

2 SOMMAIRE DU COURS PREMIÈRE PARTIE. LA QUESTION SOCIALE AUJOURD’HUI Chapitre 1. L’évolution du salariat Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Chapitre 3. La mobilité sociale Chapitre 4. La spatialisation de la question sociale DEUXIÈME PARTIE. DÉBATS ECONOMIQUES CONTEMPORAINS Chapitre 5. L’évolution des inégalités économiques sur le long terme Chapitre 6. Comprendre la crise financière TROISIÈME PARTIE. ACTUALITÉS POLITIQUES Chapitre 7. La démocratie participative Chapitre 8. La politisation de la question écologique

3 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction I. Définir les classes sociales A. Approches objectivistes et subjectivistes B. La notion de classe sociale chez Marx C. La notion de classe sociale chez Bourdieu II. La fin des classes sociales ? A. Arguments et discours sur la disparition des classes sociales B. La « moyennisation » de la société C. Une disparition de la classe ouvrière ? III. Vers un retour des classes sociales ? A. Un déclin de la classe ouvrière à relativiser B. Vers une dislocation des classes moyennes ? C. La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Conclusion : la spirale historique des classes sociales

4 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction En 2011, un rapport de Terra Nova préconise au PS de se détourner de son électorat historique (la classe ouvrière) au profit d’une nouvelle coalition électorale hétéroclite : abandon d’une représentation « classiste » de l’électorat Louis Chauvel (sociologue français, spécialiste de la stratification sociale) identifie 4 façons de se représenter la stratification sociale, à partir de 2 axes explicatifs :  Hiérarchisation (des ressources inégalement réparties entre individus) VS différenciation (des différences oui, mais pas d’inégalités)  Approches discontinuistes (les groupes sociaux sont séparés par des frontières) VS approches continuistes (pas de frontières, vaste continuum de positions)

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6 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction Jusqu’aux années 1960, les approches hiérarchisées et discontinuistes de la stratification sociale ont été dominantes : lecture en termes de classes sociales / représentation pyramidale de la société A partir des années 1960, un nouveau discours affirmant la « moyennisation » de la société et la disparition des classes sociales : représentation de la société sous forme de toupie (Mendras) Les classes sociales ont-elles disparu ?

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8 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction I. Définir les classes sociales A. Approches objectivistes et subjectivistes B. La notion de classe sociale chez Marx C. La notion de classe sociale chez Bourdieu II. La fin des classes sociales ? A. Arguments et discours sur la disparition des classes sociales B. La « moyennisation » de la société C. Une disparition de la classe ouvrière ? III. Vers un retour des classes sociales ? A. Un déclin de la classe ouvrière à relativiser B. Vers une dislocation des classes moyennes ? C. La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Conclusion : la spirale historique des classes sociales

9 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales La notion de classe sociale est antérieure au marxisme : classe plébéienne VS classe patricienne (droit romain) François Quesnay, dans son ouvrage Tableau politique publié en 1858, distinguait trois classes sociales : « la classe productive », « la classe des propriétaires » et « la classe improductive » Max Weber définit les classes sociales comme des regroupements d’individus qui ont des chances égales d'accès aux biens et à certaines conditions de vie matérielle sans en avoir nécessairement conscience Des définitions différentes : la classe comme outil descriptif VS la classe comme outil explicatif (Marx) « Division de la société fondée sur des considérations d'ordre économique ou culturel et tendant à grouper les individus selon leur profession, leur niveau de vie, leurs intérêts communs, leur idéologie »

10 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Approches objectivistes et subjectivistes Les approches objectivistes cherchent à décrire les caractéristiques sociologiques des différents groupes sociaux à partir d’indicateurs objectifs Exemple : la nomenclature des CSP de l’INSEE, fondée sur 3 critères : la hiérarchie, le statut et le secteur d’activité 1. Agriculteurs 2. Artisans, commerçants et chefs d’entreprise de + de 10 salariés 3. Cadres et professions intellectuelles supérieures 4. Professions intermédiaires 5. Employés 6. Ouvriers

11 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Approches objectivistes et subjectivistes A l’opposé, des approches qui mettent l’accent essentiellement sur des dimensions subjectives, sur le sentiment d’appartenance de classe (Maurice Halbwachs) Louis Chauvel prend en compte les deux dimensions (objective et subjective) et définit les classes sociales comme « 1) des catégories inégalement situées et dotées dans le système productif, 2) marquées par une forte identité de classe, dont trois modalités peuvent être spécifiées :  L’identité temporelle : imperméabilité à la mobilité intra et extra générationnelle  L’identité culturelle : partage de références symboliques spécifiques et de mode de vie communs  L’identité collective : capacité à agir collectivement, de façon conflictuelle, dans la sphère politique afin de faire reconnaitre l’unité de la classe et de ses intérêts

12 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) La notion de classe chez Marx Selon Marx, une classe sociale est un groupement d’individus occupant une même place dans un mode de production donné Dans le système capitalise : la classe de la bourgeoisie, qui possède les moyens de production (les usines, les machines, les capitaux), et la classe prolétarienne, qui ne dispose que de sa force de travail pour vivre Les rapports entre prolétaires et capitalistes sont profondément antagonistes et reposent sur une relation de domination et d’exploitation (extorsion de la plus-value) : c’est la « lutte des classes »

13 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales « On appelle classes, de vastes groupes d'hommes qui se distinguent par la place qu'ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé et consacré par les lois) vis-à-vis des moyens de production, par leur rôle dans l'organisation sociale du travail, donc, par les modes d'obtention et l'importance de la part de richesses sociales dont ils disposent. Les classes sont des groupes d'hommes dont l'un peut s'approprier le travail de l'autre, à cause de la place différente qu'il occupe dans une structure déterminée, l'économie sociale. » (Lénine)

14 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) La notion de classe chez Marx Trois aspects importants dans la définition marxiste des classes sociales :  Le concept de classe sociale s’inscrit dans la sphère économique : c’est par rapport à un mode de production économique donné que l’on identifie des classes sociales  Le concept de classe est relationnel : une classe sociale ne se définit que dans son rapport à une autre classe  C’est un concept normatif : le concept de classe cherche à critiquer la domination de la bourgeoisie, et vise à faire prendre conscience au prolétariat de son exploitation

15 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) La notion de classe chez Marx Distinction de la « classe en soi » et de la « classe pour soi » La « classe en soi » est définie objectivement par la place qu’occupent ses membres dans les rapports de production et se caractérise par des conditions d’existence communes La « classe pour soi » désigne une classe dont les membres ont conscience d’appartenir à une même classe, d’avoir des intérêts communs et d’être amenés à lutter collectivement pour défendre ses intérêts contre les autres classes

16 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La notion de classe chez Bourdieu Contrairement à Marx, les classes sociales ne se différencient pas uniquement en fonction d’un critère économique pour Bourdieu Deux principes permettent d’identifier des groupes sociaux homogènes : le capital économique (les revenus et le patrimoine) le capital culturel (incorporé, objectivé et institué) L’espace social comprend deux dimensions : La première est celle du volume global du capital que les agents détiennent sous ses différentes espèces (économique ou culturel) La seconde est la structure du capital, c’est-à-dire le poids relatif des différentes espèces de capital, économique et culturel, dans le volume total de leur capital

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18 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La notion de classe chez Bourdieu À chaque région de l’espace social correspondent des pratiques, des dispositions incorporées (sous forme de goûts, de désirs, d’affinités, de biens possédés) et des prises de positions (opinions, représentations) Habitus : principe homogène générateur de pratiques et de dispositions incorporées Les classes sociales rassemblent des agents aussi homogènes que possible non seulement du point de vue de leurs conditions d’existence mais aussi du point de vue de leurs pratiques culturelles, de leurs consommations, de leurs opinions politiques, etc.

19 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction I. Définir les classes sociales A. Approches objectivistes et subjectivistes B. La notion de classe chez Marx C. La notion de classe chez Bourdieu II. La fin des classes sociales ? A. Arguments et discours sur la disparition des classes sociales B. La « moyennisation » de la société C. Une disparition de la classe ouvrière ? III. Vers un retour des classes sociales ? A. Un déclin de la classe ouvrière à relativiser B. Vers une dislocation des classes moyennes ? C. La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Conclusion : la spirale historique des classes sociales

20 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Arguments et discours sur la fin des classes sociales Le discours sur la fin des classes sociales se structure dans les années 1950/60 à l’Université mais aussi dans les médias Pour Robert Nisbet (« Decline and Fall of Social Classes », 1959) trois grands phénomènes expliqueraient le déclin des classes sociales : 1. L’augmentation du secteur tertiaire dont les emplois ne correspondraient pas à des classes sociales clairement identifiées 2. L’élévation du niveau de vie et l’accès à la consommation de masse aurait uniformisé les modes de vie 3. Une atténuation des différences de comportements politiques et notamment un déclin du vote de classe

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22 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Arguments et discours sur la fin des classes sociales L’élévation du niveau de diplôme et la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur auraient permis d’augmenter la mobilité sociale et d’atténuer le sentiment d’appartenance de classe : en 1970, le taux de bachelier par génération était de 20%, en 2012 il était de 76% La démocratisation de l’accès à la propriété privée, notamment en matière de logement : de 1955 à 2006, le taux de propriétaires occupants a constamment augmenté, passant de 38% à 57% des ménages français Le développement de nouvelles communautés d’appartenance venues concurrencer la classe sociale (Touraine, Inglehart)

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24 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Le discours sur la « moyennisation » de la société La notion de classe moyenne, une utilité plus politique que scientifique, pensée comme une alternative à une lecture de la société en termes de lutte des classes Henri Mendras (1927-2003), sociologue français, La Seconde Révolution française 1965-1984 (1988) Les anciennes classes sociales d’avant-guerre (paysannerie, ouvriers, bourgeoisie traditionnelle, anciennes classes moyennes) ont progressivement disparu avec la montée en puissance du secteur tertiaire et de la catégorie des cadres, qui seraient devenus le fer de lance d’une très vaste nouvelle classe moyenne

25 « La “bouffe” autour du barbecue est le rite caractéristique de cette constellation centrale, rite en tout point opposé au repas bourgeois. Ni hiérarchie affirmée ni répartition ritualisée des rôles. Tout est inversé : le grillé remplace le rôti, le dehors le dedans (sans pour autant être dans la nature), l’égalité la hiérarchie. Le spectacle ne sert plus à confirmer les positions sociales de chacun, mais plutôt à classer et reclasser chacun sur une échelle discrète où l’on s’efforce continuellement de gravir un nouvel échelon dans l’esprit des autres. […] Hommes et femmes, jeunes et vieux, les invités et leurs hôtes, tous en tenue “campagnarde”, d’une élégance savamment négligée ou volontairement débraillée, se lèvent et s’assoient, se font cuire chacun sa brochette, vont chercher le vin, le sel ou la moutarde. Le désordre est apparent mais bien réglé. […] La recette compliquée exigeant des heures de préparation et le rôti sont remplacés par les légumes crus et la grillade. Les mangeurs sont les cuisiniers, plus de distinction entre producteurs et consommateurs. »

26 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Le discours sur la « moyennisation » de la société Avec la montée en puissance de la classe moyenne c’est le concept même de classe qui deviendrait obsolète Mendras propose une lecture « cosmologique » de la société : la société est représentée à travers un ciel où s’organisent différentes « constellations », parcourues par des courants horizontaux (les catégories sociales) La « toupie » remplace la pyramide : la « constellation centrale » (avec comme moteur les cadres) exerce une forte influence sur les groupes secondaires, comme la « constellation des élites » ou la « constellation populaire », atténuant ainsi certains clivages sociaux et tendant à l'homogénéisation des comportements

27 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) Une disparition de la classe ouvrière ? 1) Un affaiblissement de la classe ouvrière « en soi » Baisse de la part des ouvriers dans la population active : 37,1% de la population active en 1975, 28% en 2000 et 20,5% en 2013 (2 millions d’emplois ouvriers détruits entre 1975 et aujourd’hui) Effondrement des anciennes « forteresses ouvrières » (mines, chantiers naval, grands usines automobiles, etc.) et diminution de la taille des entreprises du secteur industriel : entre 1975 et 1996, la part des entreprises du secteur industriel comptant plus de 200 salariés est passé de 55% à 40%

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29 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) Une disparition de la classe ouvrière ? 1) Un affaiblissement de la classe ouvrière « en soi » Recomposition interne du monde ouvrier : baisse de la part des ouvriers de type industriel (52,6% de l’emploi ouvrier en 1975 contre 36% en 2013) et hausse des ouvriers de type artisanal (1975 : 31% VS 38% aujourd’hui) / ouvriers non qualifiés 52% en 1975 VS 37% en 2013 Perte de spécificité du travail ouvrier par rapport aux autres emplois salariés qui entraîne une remise en cause de la définition marxiste du travail ouvrier, qui repose sur 4 caractéristiques 1. L’ouvrier ne vit que des revenus de son travail 2. L’ouvrier produit des biens matériels durables 3. L’ouvrier est dépossédé des conditions de production des biens qu’il fabrique 4. L’ouvrier est producteur de la plus-value

30 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) Une disparition de la classe ouvrière ? 1) Un affaiblissement de la classe ouvrière « en soi » Le premier critère de la définition ne distingue pas l’ouvrier des autres catégories de salariés qui ne vivent eux aussi que de leur salaire Le deuxième critère est devenu trop restrictif : informatisation et tertiarisation des emplois ouvriers Concernant le troisième critère, les ouvriers sont de plus en plus associés à la définition du processus de production, notamment par des logiques de responsabilisation et d’autonomisation (toyotisme)

31 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) Une disparition de la classe ouvrière ? 2) Une quasi-disparition de la classe ouvrière « pour soi » Une baisse du sentiment d’identification à la classe ouvrière : en 1975, 72% des ouvriers déclaraient appartenir à la classe ouvrière, alors qu’en 2003, ils n’étaient plus que 46% à déclarer appartenir à la classe ouvrière, mais surtout ils étaient 52% à déclarer appartenir à la classe moyenne Ces évolutions du sentiment d’appartenance sont liées aux transformations objectives du monde ouvrier, mais aussi à l’affaiblissement des acteurs collectifs qui donnaient une visibilité politique à la classe ouvrière et la faisaient exister, en particulier les syndicats ouvriers et le PCF Transformation des représentations et des discours médiatiques et politiques qui ont visé à euphémiser la réalité du monde ouvrier et plus généralement des classes sociales

32 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Introduction I. Définir les classes sociales A. Approches objectivistes et subjectivistes B. La notion de classe chez Marx C. La notion de classe chez Bourdieu II. La fin des classes sociales ? A. Arguments et discours sur la disparition des classes sociales B. La « moyennisation » de la société C. Une disparition de la classe ouvrière ? III. Vers un retour des classes sociales ? A. Un déclin de la classe ouvrière à relativiser B. Vers une dislocation des classes moyennes ? C. La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Conclusion : la spirale historique des classes sociales

33 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Un déclin de la classe ouvrière à relativiser En termes objectifs, les ouvriers représentent toujours 20% de la population active occupée soit, en valeur absolue, plus de 5 millions de personnes On observe un forte reproduction sociale du groupe ouvrier : en 2014, 40% des enfants d’ouvriers le deviennent à leur tour et à peine 7% deviennent cadres On observe également un rapprochement de la catégorie des ouvriers avec celle des employés, en particulier ceux travaillant dans les services à la personne (1/4 des employés en 214)

34 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales A) Un déclin de la classe ouvrière à relativiser Pour Camille Peugny, d’un point de vue tant objectif (salaires, conditions de travail, perspectives de carrière) que subjectif (rapport au travail), on voit apparaître une convergence entre les ouvriers et les employés Une forte endogamie entre les employés et les ouvriers, avec beaucoup de couples mixtes où l’homme est ouvrier et la femme employée : les ouvriers sont en effet très majoritairement des hommes (81,1%) et les employés des femmes (76,5%).

35 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Vers une dislocation des classes moyennes ? 1) Comment définir les classes moyennes ? Louis Chauvel (Les classes moyennes à la dérive, 2006) propose de retenir 3 critères pour définir les classes moyennes : 1. Les classes moyennes sont proches du revenu moyen de la population (en 2013, le salaire mensuel moyen est de 2 202 euros net) 2. Leurs membres se situent dans une position intermédiaire dans la hiérarchie sociale (professions intermédiaires, cadres, employés qualifiés et contremaîtres) 3. Elles se définissent par un sentiment d’appartenance, maquée par l’idéologie du progrès et une croyance dans l’ascension sociale

36 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Vers une dislocation des classes moyennes ? 1) Comment définir les classes moyennes ? Débats autour du meilleur indicateur permettant de calculer le revenu moyen :  Salaire moyen (« déformé » par les très haut revenus) : 2 200 € net (2013)  Salarie médian (50% de la population gagne moins, 50% +) : 1 772 € net (2013)  Revenu fiscal médian par Unité de consommation : 1 529 € (2009) Comment mesurer l’écart à la moyenne ? Louis Chauvel :  Classes moyennes inférieures : entre 0,75 fois et 1 fois la médiane  Classes moyennes intermédiaires : entre 1 fois et 1,5 fois la médiane  Classes moyennes supérieures : entre 1,5 et 2,25 fois la médiane

37 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Vers une dislocation des classes moyennes ? 2) Une ou des classes moyennes ? Pour Chauvel il est alors plus rigoureux sociologiquement de ne pas parler d’une classe moyenne, mais de 4 classes moyennes Pour construire ces catégories, Chauvel retient deux axes :  L’axe vertical est celui de la place occupée dans la hiérarchie sociale  L’axe horizontal est celui de l’ancienneté de la profession, et plus exactement de la nature des ressources dominantes pour y accéder (à dominante culturelles ou économiques)

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39 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Vers une dislocation des classes moyennes ? 2) Une ou des classes moyennes ? 1. « La nouvelle classe moyenne supérieure » à ressources culturelles dominantes, comprenant entre autres : les hauts fonctionnaires, les enseignants du supérieur et les ingénieurs 2. « L’ancienne classe moyenne supérieure » à ressources économiques dominantes, comprenant autre autres : les chefs de petites et moyennes entreprises, les commerçants et les artisans qui emploient des salariés et la bourgeoisie possédante 3. « La nouvelle classe moyenne intermédiaire » à ressources culturelles dominantes, comprenant entre autres : employés, bureaucrates et techniciens 4. « L’ancienne classe moyenne intermédiaire » à ressources économiques dominantes, comprenant entre autres : artisans et commerçants modestes

40 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales B) Vers une dislocation des classes moyennes ? 2) Une ou des classes moyennes ? Ce qui fait alors l’unité de ces 4 classes moyennes, c’est selon Chauvel leur trajectoire collective ascendante : « En réalité il semble que les classes moyennes, qui ne peuvent échapper au pluriel, ne parviennent à créer de l’unité que dans un mouvement dynamique partagé : les différences intrinsèques de leurs membres sont dépassées par la trajectoire de l’ensemble qu’ils forment. Les classes moyennes n’existent donc que dans le devenir et dès que ce mouvement est interrompu, l’ensemble se désagrège »

41 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Peu d’études en sciences sociales consacrées à la bourgeoisie, pour plusieurs raisons : Difficulté à étudier des groupes dominants (relation de domination enquêteur / enquêté inversée) Très grande discrétion de la bourgeoisie sur ses revenus et ses modes de vie Inclinaison des sociologues, souvent de gauche, à travailler sur des questions sociales, comme le chômage ou la précarité, qu’ils jugent plus importantes Peu de financements consacrés à ces questions En France, deux auteurs de référence : Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (Les ghettos du gotha, 2007 ; Sociologie de la bourgeoisie, 2003)

42 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » Pour Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, la bourgeoisie constitue la dernière classe sociale pour soi, clairement consciente de ses intérêts et capable de se mobiliser pour les défendre Une analyse à contre-sens des discours renvoyant la bourgeoisie à une catégorie du passé (avec l’avènement des managers et des investisseurs institutionnels type fonds de pension les grandes familles bourgeoises n’auraient plus de prise sur un capitalisme devenu abstrait, impersonnel et transnational) Pour les Pinçon-Charlot, la bourgeoisie et les grandes familles bourgeoises demeurent toujours les véritables bénéficiaires de l’économie capitaliste, et continuent d’en tirer tous les profits

43 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme Dans les représentations de sens commun, la richesse est réduite à sa dimension matérielle, à l’achat de biens (posséder un yacht) et de services (disposer d’un personnel domestique) Ces représentations ignorent d’autres dimensions essentielles de la fortune bien que moins visibles, comme le capital culturel ou le capital social, qui définissent pourtant l’appartenance à la bourgeoisie Un autre aspect de la richesse qui est négligé dans le discours de sens commun, c’est sa dimension collective, familiale et héritée

44 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme a) La richesse économique (revenus et patrimoine) Pour estimer le capital économique de la bourgeoisie, on peut retenir comme indicateur l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune Impôt créé par la gauche en 1982, supprimé par la droite en 1986, rétabli par la gauche en 1988 L’assiette de l’ISF comprend les biens immobiliers (résidence secondaires) et les valeurs mobilières (valeur des actions, des titres, etc.) Le seuil d’imposition à l’ISF s’élève en 2016 à 1,3 millions d’euros. En 2015, environ 300 000 contribuables étaient assujettis à l’ISF

45 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme L’ISF ne permet pas d’estimer la véritable étendue de la richesse des contribuables, son assiette ne comprend pas les biens professionnels (actions, bâtiment, machines d’une société dans laquelle le contribuable exerce sa profession principale), les œuvres d’art et seulement 80% de la valeur de la résidence principale Au sein même des assujettis à l’ISF, la valeur des patrimoines des ménages est très inégale et surtout très concentrée : 5% des ménages les plus riches concentrent à eux seuls 39% du montant de l’ensemble des patrimoines Les inégalités de patrimoine sont ainsi beaucoup plus marquées que celles des revenus : alors que les écarts de revenus entre les 10% les plus pauvres et les 10% les plus aisés sont dans un rapport de 1 à 4, les écarts de patrimoines sont de l’ordre de 1 à 80 !

46 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme b) La richesse sociale Si elle est une condition nécessaire, la richesse matérielle n’est pas une condition suffisante pour être coopté dans la haute société Le capital économique doit être légitimé par d’autres formes de capitaux, le capital culturel et le capital social Le capital social concerne « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’interreconnaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensemble d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes mais aussi unis par des liaisons permanentes et utiles » (Bourdieu)

47 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme b) La richesse sociale Le capital social détenu par chaque membre du réseau vient démultiplier le capital social du groupe La grande bourgeoisie cultive cette forme de capital par un travail spécifique de sociabilité : dîners, soirées de gala, vernissages, avant-premières théâtrales, etc. mais aussi sous des formes plus institutionnalisées : les cercles (l’Automobile-Club de France, le Cercle du Bois de Boulogne, le cercle de Deauville, etc.) Les cercles sont des lieux de sociabilité où les bourgeois travaillent leurs relations et leurs réseaux d’influence

48 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme c) La richesse culturelle Les bourgeois disposent d’un très haut niveau de capital culturel, sous ses trois formes : À l’état objectivé, les bourgeois, surtout issus de l’ancienne bourgeoisie, sont des collectionneurs d’art, de tableaux et de meubles anciens A l’état incorporé, les bourgeois ont appris, dès l’enfance, à développer un rapport familier et affectif à la culture, sans avoir besoin pour cela de l’école A l’état institutionnalisé, les bourgeois excellent dans la complétion scolaire, leurs enfants fréquentent les meilleurs lycées (Louis le Grand, Henri IV, l’école alsacienne, lycée Hoche, etc.) puis les classes préparatoires en vue d’intégrer les grandes écoles (Polytechnique, HEC, ENA, etc.)

49 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 1) Une classe en soi : une richesse multiforme d) Le capital symbolique Le capital symbolique repose sur la reconnaissance et le prestige accordés à la possession des autres formes de capitaux (économique, social, culturel) L’accumulation des différentes formes de richesse (matérielle, culturelle, social) transforment les privilèges sociaux en qualités innées Le capital symbolique se trouve condensé dans le capital patronymonial, qui est spécifique à la classe bourgeoise : le nom de famille synthétise tous les prestiges symboliques associés à la détention de la richesse sous tous ses aspects

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51 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 2) Une classe « pour soi » : une classe mobilisée La bourgeoisie existe comme classe en soi, en raison de sa place dans le processus de production (elle prélève et vit de la plus-value, ses membres sont dans une situation d’indépendance financière par rapport à leur activité professionnelle) mais aussi en classe pour soi, en défendant collectivement ses intérêts La question de la gestion et de la transmission du patrimoine des grandes familles constitue la principale préoccupation de la bourgeoisie Le groupe est mobilisé dans la recherche constante des meilleures conditions pour satisfaire ses exigences de gestion et de transmission du patrimoine Cette mobilisation se traduit par une quête et une culture de l’entre-soi

52 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales C) La bourgeoisie, dernière « classe pour soi » 2) Une classe « pour soi » : une classe mobilisée Ce souci de l’entre-soi commence dès l’enfance et la socialisation primaire : les enfants sont socialisés au sein de la famille et de l’école (souvent privée ou des beaux-quartiers, ce qui assure déjà une très faible mixité sociale) et aussi à travers certaines institutions typiques de la bourgeoisie : les rallyes La fonction du rallye est de permettre aux jeunes bourgeois d’intérioriser très tôt leur appartenance au groupe et les normes et frontières sociales du groupe Mais le rallye est aussi une institution qui permet de garantir l’endogamie sociale : un enfant issu de la grande bourgeoisie doit faire alliance avec un autre membre de la bourgeoisie, afin de préserver le capital symbolique associé au nom de la famille, de la lignée

53 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Conclusion : la spirale historique des classes sociales Assiste-t-on aujourd’hui à une disparition des classes sociales ? Pour répondre à cette question, il convient de clairement dissocier les classes sociales en tant que réalité objective et en tant que réalité subjective (Chauvel) En tant que réalité objective, les classes sociales existent toujours, comme en atteste la hausse des inégalités de patrimoine et le phénomène de concentration des richesses En revanche, en tant que réalité subjective, les classes sociales ont disparu, il n’existe plus de classe pour soi au sens marxiste à une exception près : la bourgeoisie

54 Chapitre 2. Permanence et transformation des classes sociales Conclusion : la spirale historique des classes sociales Mais cette situation n’est pas définitive, l’histoire sociale n’est pas linéaire. Pour Chauvel, il peut exister un décalage dans le temps entre le moment où une classe existe à l’état objectif et le moment où ses membres prennent conscience d’appartenir à cette classe 4 grandes phases dans l’histoire des classes sociales : 1. « Aliénation » (1830-1850) : inégalités très fortes mais pas de conscience de classe 2. « Classe en soi et pour soi » (1850) 3. « Victoire du prolétariat » (1870) : inégalités en baisse mais conscience de classe en hausse 4. « Société sans classe » (2000) : inégalités en hausse mais conscience de classe en baisse


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