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Histoire de la France Contemporaine Cinquième cours : La 4 e République (1944-1958)

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1 Histoire de la France Contemporaine Cinquième cours : La 4 e République (1944-1958)

2 Cinquième cours : 1 — Évolution politique 2 — Économie 3 — Cultures de l’après-guerre 4 — Politique étrangère

3 1 — Évolution politique 1.1 - Du vide politique à la constitution de 1946 Deux éléments caractérisent la situation politique de la France en 1944 : discrédit des institutions de la 3 e république et vide idéologique ; stature du général de Gaulle. Deux ans plus tard, De Gaulle aura quitté la scène politique et un système semblable à celui de la 3 e république se sera imposé… La France de 1944 est sans élites traditionnelles : les partis ont disparu, Vichy dresse l’opinion contre le retour d’un pouvoir autoritaire, malgré la popularité du général et de son statut officiel de chef du gouvernement provisoire.

4 D’abord, les nouvelles élites espèrent une union sacrée des forces résistantes derrière la figure du général. Mais le modèle français est discrédité et elles regardent du côté de l’Amérique ou de l’URSS et rêvent d’un mélange de deux traditions du pays, libéralisme politique et économie sociale. Devant l’impossibilité de ce rêve, les forces politiques se reconstituent. Le rôle le PCF dans la résistance fait de lui un pôle de ralliement incontestable. La SFIO qui renait est le mieux placé des partis politiques pour récupérer l’héritage de la résistance, le PCF suscitant des craintes. Mais son dogmatisme l’empêchera de jouer ce rôle de rassembleur. Cela laisse la voie, au centre, au Mouvement Républicain populaire (MRP), qui devient le parti le plus proche du général, étant la seule force politique à pouvoir et vouloir s’opposer aux communistes.

5 Quant aux autres partis, surtout à droite, ils n’ont guère d’audience. Le 21 octobre 1945 eurent lieu des élections et un référendum. Ce scrutin (le premier auquel les femmes participent) voit le PCF devenir le premier parti de France, suivi par la SFIO. Le référendum, pose deux questions : l’octroi de pouvoirs constitutionnels à l’assemblée élue et la limitation de l’exercice de ces pouvoirs à sept mois. Les Français répondent par l’affirmative. Entre De Gaulle et les partis, le conflit éclate et se pose la question de la prépondérance institutionnelle du chef de l’exécutif, suivant un modèle centralisé autour d’un président, ou du pouvoir législatif, réuni autour de l’Assemblée, suivant le modèle de la 3 e république. Après plusieurs mois de lutte, De Gaulle démissionne, marquant la victoire de la seconde alternative.

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7 Félix Gouin (SFIO) devient président du conseil et les partis élaborent un premier projet de constitution dans lequel la prépondérance communiste se fait sentir et qui aurait fait d’un parlement monocaméral le seul dépositaire de la légitimité démocratique. Très contestée par les forces du centre, cette première mouture sera aussi rejetée par la population lors du référendum de mai 1946, par 53 % des voix. Les élections de l’été 1946 consacrent le recul de la gauche et le retour timide des forces traditionnelles. Le MRP, premier parti de France, peut imposer ses vues dans un deuxième projet de constitution, qui propose un parlement bicaméral et un président doté de réels pouvoirs, cependant subordonné aux deux chambres. Malgré l’opposition du général de Gaulle, le référendum d’octobre 1946 voit les Français voter à 53 % pour ce texte.

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10 1.2 – Du tripartisme à la troisième force (1946-1952) Les élections suivantes voient le PC reprendre le titre de premier parti, alors que la SFIO continue sa descente au profit des forces centristes. Ce sont les mêmes trois partis qui totalisent près de 75 % des voix. L’assemblée porte au poste de président le socialiste Vincent Auriol qui restera en poste jusqu’en janvier 1954, date à laquelle René Coty lui succédera. Le président du Conseil Paul Ramadier, tente d’ouvrir le jeu en nommant ministres, outre des membres des trois partis, des représentants des autres forces politiques. La donnée fondamentale de la période, c’est la distance de plus en plus en plus grande entre les communistes et les autres forces politiques, le contexte international tendant alors les relations entre le PCF et le reste de la chambre.

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12 Sur la politique intérieure, le PC se rallie au mouvement de grève du printemps 1947 et la question indochinoise voit le PCF s’opposer à la ligne dure de la majorité et exige des négociations avec Ho Chi Minh. Cela pousse Ramadier en mai 1947 à chasser de son conseil les ministres du PCF, lequel ne reviendra au gouvernement qu’en 1981. Cette exclusion marque la fin du tripartisme de la période 1944-1947 et la constitution d’une Troisième force, vaste courant politique qui jusqu’en 1952 va diriger le pays en unifiant les forces politiques de la droite modérée à la gauche modérée. Car il y existe à gauche et à droite des forces politiques remettant en question l’ordre républicain. À gauche : le PCF, accusé de vouloir prendre le pouvoir pour instaurer en France un système de type soviétique.

13 Même si le PCF affirme son respect des institutions, ces professions de foi sont de peu de poids face au contexte international et que le pays semble à la veille d’une guerre civile. À droite : De Gaulle, qui n’est d’abord pas impliqué, sert de point de ralliement à des forces diverses, dont une petite union gaulliste, qui n’a recueilli que 3 % des voix aux élections de 1946. Mais en avril 1947, De Gaulle lance le Rassemblement du Peuple français, un mouvement partisan non exclusif qui s’impose dans les élections municipales et régionales et qui réclame une république présidentielle. Jusqu’en juin 1951, l’État est menotté par des forces politiques plus importantes que celle du gouvernement, lesquelles n’ont en commun que le désir de préserver les institutions et de contrer la double menace communiste et gaulliste.

14 Comme programme, c’est faible et cela explique la grande instabilité ministérielle entre 1947 et 1951 : 9 gouvernements et 7 présidents du conseil. La grande préoccupation du gouvernement est le mode de scrutin, car on craint que le maintien du système de 1947 conduise à une réélection massive des communistes et des gaullistes. Sans remettre en question la proportionnelle intégrale, la loi des « apparentements » de mai 1951, favorisant les listes de coalitions, vise à éliminer le PCF. Le système fonctionne : le PCF demeure le premier parti, mais les alliances le privent de nombreux sièges et il n’est plus que la 3 e force en chambre (103 députés). Mais contre le RPF, la tactique fonctionne moins bien, car avec la 2 e position en termes de suffrages, les forces gaullistes obtiennent le statut de premier parti en chambre (121 députés).

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16 De sorte que la Troisième force, majoritaire, est contrainte de se reconstituer pour assurer le gouvernement. Cette situation ne permettant pas de restaurer une certaine stabilité gouvernementale (3 gouvernements jusqu’en février 1952), Vincent Auriol demande à un indépendant, Antoine Pinay, de former un gouvernement de centre-droit, qui est investi le 6 mars 1952 contre les votes de la SFIO et du PCF.

17 1.3 – Du centre droit à l’effondrement du système Le ralliement du RPF au régime provoque la colère de De Gaulle, qui dissout en 1953 le parti, les députés se répartissant dans divers groupes, la majorité fondant l’Union républicaine d’Action sociale (URAS). Le gouvernement gagne en stabilité : de l’été 1952 à l’été 1954, le pays ne connaîtra que 3 gouvernements. Au cours de la période, la France est gouvernée à droite pour la première fois depuis la guerre. Pinay, jusqu’en décembre 1952, initie une politique de réduction du déficit et d’équilibre budgétaire. Il lutte contre les communistes en s’attaquant à la CGT et au PCF, dont certains membres éminents sont arrêtés, et en favorisant et finançant des organisations anticommunistes, comme « Paix et liberté ».

18 Si la majorité parvient à sortir de l’immobilisme au plan financier et intérieur, des questions reliées à la politique étrangère l’empêchent de donner sa pleine mesure, dont la question de la CED et la crise indochinoise, qui finit par l’emporter en 1954. L’arrivée au pouvoir de Pierre Mendès-France marque la renaissance d’un système politique discrédité. Malgré la brièveté de l’expérience PMF, sa méthode et son dynamisme lui donnent une place à part dans l’histoire de la IVe république. Membre du parti radical, il se veut au-dessus des partis, et ses politiques trouvent un écho un peu partout. Sa réforme constitutionnelle (1954) vise à réduire le pouvoir des partis et à consolider celui du gouvernement et de son chef en augmentant les exigences du vote pour faire tomber un gouvernement et en facilitant le renvoi de l’Assemblée par le président.

19 Particulièrement actif en politique étrangère, cet économiste n’aura guère le temps de se consacrer à l’économie, mais les politiques qu’il aura le temps de mettre en place vont favoriser la croissance économique. Son activisme finit par dresser contre lui le système partisan et en janvier 1955, alors qu’on lui reproche tout et son contraire, le gouvernement de PMF est défait par 379 voix contre 273 et avec lui, ce qui apparaît comme la dernière chance de sauver le régime. Edgar Faure lui succède, tentant de préserver ce qui pouvait l’être de la politique de PMF, avec des succès divers, contraint qu’il est de s’appuyer sur le centre droit. D’autant que le style de Faure tranche avec celui de son prédécesseur, ce qui le rend incapable de canaliser le mécontentement de la population envers le régime. Ce que parvient à faire le poujadisme.

20 Né autour des difficultés que connaissent les petits commerçants au début des années 1950, le mouvement de Poujade, dès 1953, élargit le spectre de ses appuis et se présente comme le défenseur de tous ceux qui à droite, réclament des changements. Le poujadisme rejoint des nostalgiques de Vichy, mais il est multiforme et plus populiste que fasciste. De l’autre côté du spectre, des partisans de PMF fondent un mouvement lui aussi multiforme, appelé mendésisme, dans lequel PMF ne se reconnait guère… Les élections de juin 1956 constitue un vote de protestation. Le PCF, qui conserve son suffrage, voit sa présence croître de 50 %, pendant qu’à l’autre bout du spectre, les poujadistes obtiennent 30 % et 60 sièges. Un front républicain de centre-gauche se constitue autour de la SFIO, comptant sur les radicaux de PMF, alors que le socialiste Mollet forme le gouvernement.

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22 Le gouvernement Mollet se maintiendra jusqu’en 1957, gouvernant en continuité avec les principes de la gauche sur le plan intérieur (trois semaines de congé payé, fonds national de solidarité pour améliorer le système des retraites) et extérieur, (distance d’avec les États- Unis, amélioration des relations avec l’URSS, poursuite de la construction européenne). La crise algérienne aura raison du gouvernement et de ses deux successeurs : le 13 mai 1958, des émeutes à Alger conduisent à l’occupation des bâtiments gouvernementaux par des pieds-noirs, alors que l’Armée d’Algérie semble soutenir le mouvement. C’est alors que De Gaulle se fait entendre. Le 15 mai, il fait savoir qu’il est prêt à assumer le pouvoir, se mettant à la tête de la fronde et le 19 mai, il tient une conférence pour rassurer les chefs politiques sur ses intentions : il ne veut pas prendre le pouvoir par la force et se propose pour diriger le gouvernement.

23 Après avoir rallié Mollet, qui craint autant l’extrême gauche que l’extrême droite et d’autres parlementaires, le 27 mai il s’institue chef de gouvernement dans un communiqué, qui finit de rallier à sa personne de nombreux déçus du régime. Entre le 28 mai et le 3 juin, la IVe république se saborde : le 1 er juin, une majorité (329 contre 250) vote l’investiture du général au poste de président du Conseil; le 2 juin, l’Assemblée lui octroie les pleins pouvoirs pour six mois et le 3 juin, il obtient le pouvoir de réviser la constitution, s’engageant à soumettre toute modification à un référendum. Ainsi meurt le système né de l’après-guerre, dans l’indifférence générale, ce qui témoigne de la situation chaotique et dramatique qui règne en France, ainsi que de la certitude largement répandue que le système est impuissant à résoudre la crise.

24 2 — Économie 2.1 – Les dégâts de la guerre. Sur le plan humain, les pertes de la France de la Seconde Guerre mondiale sont moins importantes que celle de la première. Mais la situation en 1944 est difficile, car l’économie était déjà affaiblie et sclérosée en 1939 et éprouvera de grandes difficultés à faire face aux deux grands défis économiques de l’après-guerre : reconstruction et inflation galopante. Malgré le peu d’implication directe de la France dans le conflit, les destructions ont touché presque tout le territoire, une bonne partie d’entre elles étant par ailleurs causée par les opérations menées par les Alliés pour libérer la France.

25 50 000 exploitations agricoles ont été détruites et autant d’usines; 20 % des bâtiments ont été détruits. 115 gares, et 80 % des infrastructures portuaires, des voies ferrées et des canaux de navigation intérieure sont inutilisable. Le quart des locomotives a été détruit, de même que 60 % des capacités de transports maritimes et 40 % du parc automobile. Si on ajoute les autres coûts afférents (détérioration de ce qui subsiste, destruction des stocks, etc.), l’ensemble des dommages s’élève à 85 milliards de francs, soit plus du quart de la valeur des infrastructures du pays. Il faut ajouter les pertes financières, au premier chef les frais d’occupation : 1 100 milliards de francs. Puis les déficits budgétaires accumulés par le gouvernement entre 1939 et 1944, soit plus de 400 milliards, pour une modeste somme totale de 1 500 milliards de francs…

26 L’inflation est une conséquence directe de l’occupation. Pour l’année 1944, l’indice des prix à la consommation grimpe de près de 50 %, hausse causée par le manque de produits et l’abondance du numéraire en circulation, mais surtout, comme avant la guerre, par la surévaluation du franc (la valeur réelle du franc est dix fois moindre que le cours officiel). Les remèdes miracles n’existent pas et le choix se pose entre une lutte contre l’inflation, en imposant des taxes à la consommation pour réduire le pouvoir d’achat, ou l’acceptation de celle-ci. Considérant politiquement dangereuse la première option, on laissera l’inflation sévir presque tout au long de la IVe république, celle-ci constituant pratiquement la caractéristique fondamentale de l’économie française dans les années 1950.

27 2.2 – La barre à gauche : nationalisation et politique sociale Si on ne veut pas toucher au pouvoir d’achat, la seule arme qui reste contre l’inflation est l’accroissement de la production, ce qui est difficile, compte tenu de l’état des infrastructures. Les libéraux étant discrédités, les solutions étatiques qui s’imposent, d’autant que socialistes et communistes mènent le bal en 1945 et que la victoire soviétique semble souligner l’efficacité du contrôle étatique. Même De Gaulle croit que l’ampleur de la tâche nécessite la coordination de l’État. L’État nationalise d’autant plus facilement que nombre de patrons sont accusés de collaboration avec l’Allemagne et que rares sont ceux qui osent se lever pour défendre le droit de propriété de ces gens.

28 La première vague de nationalisation s’étend de décembre 1944 à juin 1945 et englobe les entreprises collaborationnistes (Renault). La nationalisation de la radio et de l’AFP relèvent d’un autre impératif, celui de contrôler les moyens de diffusion d’un État encore en guerre. Puis la politique de nationalisation vise à donner à l’État le contrôle des secteurs jugés prioritaires pour la reconstruction : énergie, transports et crédit. Début de 1946, les houillères sont fusionné au sein des Charbonnages de France. Suit la création d’EDF et de GDF. Pour le pétrole, on maintient le caractère mixte de la Compagnie française des Pétroles. Dans les transports, l’État contrôlait déjà depuis 1937, les chemins de fer (SNCF). Les compagnies aériennes sont fusionnées au sein d’Air France (1945) et la Compagnie Générale Transatlantique obtient le monopole du transport maritime.

29 Dans le secteur bancaire, les quatre principales banques d’épargne du pays passent entre les mains de l’État (dont le Crédit lyonnais et la Société Générale), mais on ne touche pas aux banques d’affaires, pour ne pas porter atteinte à la confiance des investisseurs. La Banque de France est nationalisée, de même que les 34 plus grandes sociétés d’assurance de France. Ces entreprises relèvent de l’État, mais sont gérées de façon autonome et elles doivent générer des profits. Elles constituent un levier puissant de l’État pour imposer la modernisation et mettre fin à cette « France des petits », cause du retard économique du pays. La refonte de l’économie concerne aussi la redéfinition du salariat et la mise en place de politiques sociales qui portent la marque des meneurs politiques de l’époque.

30 Si l’utopie d’une cogestion des entreprises ne voit pas le jour, les comités d’entreprises étant cantonnés aux œuvres sociales, la création de la Sécurité sociale change la distribution de la richesse dans la société. Ce régime de Sécurité sociale va au-delà de la redistribution de richesse, transformant la notion de salarié, lui garantissant le soutien de la communauté nationale contre la plupart des risques de l’existence. Le régime créé en 1945 est obligatoire pour tous les travailleurs qui y contribuent à hauteur de 6 % de leurs salaires. L’employeur doit verser pour sa part 10 % de la masse salariale au fond, ce qui fait passer le total des prélèvements à plus de 35 % de la masse salariale. Les travailleurs obtiennent une assurance médicale, une assurance-salaire en cas de maladie professionnelle, une assurance invalidité et une assurance vieillesse à partir de 60 ans (20 % du salaire, plus 4 % par année jusqu’à 65 ans).

31 2.3 – La reconstruction La méthode employée par le gouvernement français dans l’immédiat après-guerre témoigne de l’influence d’un modèle économique très éloignée de celui de l’avant-guerre. La situation matérielle réclame des investissements massifs, mais aussi une politique concertée et déterminée par l’État. Après plusieurs mois de discussions, un plan de modernisation et d’équipement est adopté en janvier 1947. Il vise l’augmentation de la production française de 25 % en 1950 par rapport à ce qu’elle était avant 1929. Les tâches étant immenses et les moyens limités, priorité est accordée à la modernisation et à la restauration des équipements de production, afin de disposer de la base matérielle pour reconstruire les immeubles et améliorer le niveau de vie de la population.

32 Il ne s’agit pas d’une forme de planification autoritaire, mais d’une variante souple dans laquelle l’État n’impose pas la réalisation d’objectifs aux entreprises, se contentant de définir les priorités et d’inciter celles-ci à participer à la réalisation du plan. La réalisation du plan se heurte à deux graves difficultés : l’inflation et le manque de main-d’œuvre, qui oblige à recourir aux prisonniers de guerre allemands et aux travailleurs émigrés. Cela ne suffit cependant pas et un effort supplémentaire est demandé aux ouvriers, lequel prend la forme d’heures supplémentaires payées, ce qui alourdit les coûts liés à la reconstruction. Le principal problème de la reconstruction, c'est son financement, qui repose en grande partie sur l’aide américaine, d’autant que la destruction de l’appareil de production rend impossible l’augmentation des exportations pour financer le programme.

33 Dès 1946, les États-Unis effacent 75 % de la dette française, ce qui lui permet d’obtenir des crédits supplémentaires. Mais c’est surtout grâce au plan Marshall que la reconstruction pourra être réalisé rapidement : de 1948 à 1952, Paris reçoit des États-Unis une aide de 2,6 milliards de dollars, dont 85 % sous forme de don, le reste prêté à un taux de 2,5 % annuel. En contrepartie, la France doit dépenser cette aide par l’achat de matériel américain et ouvrir son marché. À ces conditions, il faut ajouter la subordination qui en découle en matière de politique étrangère. Les résultats sont satisfaisants et à la fin de 1950, la France a retrouvé son niveau de production de 1938. Dans le domaine agricole, le parc de machines a été reconstitué et les productions de vin, de sucres et de blés sont égales à celles de 1938.

34 Dans le domaine industriel, les résultats sont inégaux : bons dans le secteur énergétique (charbon et électricité), mais faibles dans la sidérurgie. Dans l’ensemble, le taux de croissance de la production industrielle de 1950 par rapport à 1938 est de 28 %, ce qui pousse les dirigeants à prolonger le plan jusqu’en 1952. Mais la reconstruction n’a pas permis une modernisation générale de l’économie et dans l’ensemble, le modèle économique de la « France des petits » a été reproduit. Heureusement, le rôle joué par l’État et la priorité accordée à certains secteurs a favorisé cette modernisation des structures de production, EDF et GDF jouant le rôle de modèle pour certaines entreprises privées, dans le secteur sidérurgique, par exemple.

35 2.4 – La barre à droite. L’éviction des communistes du gouvernement à partir de 1947 et le climat international ralentissent le processus de nationalisation et de mise en place d’un régime étendu d’assistance sociale. Les élites politiques traditionnelles reprennent en main les leviers et le libéralisme revient à l’avant-scène, même si les impératifs de la reconstruction laisser à l’État un rôle économique important. Le retour au libéralisme implique un rééquilibrage du budget, dont le déficit s’est aggravé depuis 1945. On recourt à un grand emprunt forcé auprès de la population, tout en augmentant les impôts en 1947 et 1949 et en alourdissant les charges sociales sur les entreprises, entre autres par la mise en place d’un impôt sur la masse salariale.

36 Les dépenses sont réduites : 111 000 postes de la fonction publique sont supprimés et le budget militaire passe de 32 % à 21 % du budget entre 1947 et 1950. Il convient à de mettre fin aux soutiens artificiels du franc, afin d’accroître les exportations : en 1948, le franc est dévalué une première fois et perd 80 % de sa valeur, puis une seconde fois en 1949, avec un autre 23 %. Ces remèdes permettent de relancer la croissance (8 % en 1950), de réduire le déficit du budget et de rééquilibrer la balance commerciale. La conjoncture internationale à partir de 1950 favorise une surchauffe qui relance l’inflation. L’explosion des exportations dans la foulée de la guerre de Corée et le réarmement, poussent les salaires à la hausse et contraignent le gouvernement à couper, provoquant un ralentissement de la croissance, qui passe à 3 % seulement en 1953.

37 Cette mauvaise passe est de courte durée et « L’expansion dans la stabilité », politique économique d’Edgar Faure à partir de 1953 va donner au pays plusieurs années de bonne croissance en procédant, enfin, à une modernisation de l’économie. Reprenant une logique de planification, la politique de Faure vise l’amélioration des conditions de vie de la population par une politique d’investissements dans le secteur de la construction résidentielle et dans l’agriculture. Le gros de l’effort est demandé aux entreprises, l’État demeurant en retrait, mais stimulant l’investissement par des crédits à faible taux. Grâce à un contexte international favorable, la croissance se maintiendra presque continuellement jusqu’en 1974, permettant au pays de rattraper certains de ses compétiteurs et alliés, grâce à un taux de croissance supérieur à la moyenne.

38 Grâce à la stabilisation des prix et au facteur de confiance, les entrepreneurs investissent dans l’amélioration de la productivité : tout au long des années 1953 à 1955, la croissance des investissements s’établit à plus de 10 % en moyenne annuellement. La période 1953-1957 voit l’accroissement de la production électrique (30 %), du raffinage du pétrole (35 %), alors que de nouveaux champs gazier et pétrolier sont mis en exploitation. Mais de nombreux secteurs traditionnels ne participent pas à la croissance et les changements de l’organisation du travail provoquent des mécontentements au sein de la population ouvrière. Le secteur agricole demeure le parent pauvre. Si la mécanisation s’améliore et que le nombre d’exploitations modernes croît, la productivité demeure faible.

39 À son tour, cette faiblesse entraîne un accroissement de l’exode rural, et sorte de crise de civilisation : les zones rurales deviennent significativement plus pauvres que les zones urbaines, situation lourde de menaces et de crises politiques à venir. Économiquement, la IVe république occupe une place fondamentale dans l’histoire de la France, la période ayant vu la France entrer véritablement dans le XXe siècle, avec un État devenu plus interventionniste et une population plus active dans les processus économiques, par le biais de sa consommation. Malgré le ralentissement de la croissance à partir de 1957 et qui contribuera à l’effondrement de la IVe république, celle-ci demeure dans l’histoire comme une période de prospérité.

40 2.5 – Économie et société La richesse créée au cours de la période 1945-1952, inégalement répartie, a accentué les déséquilibres entre les classes sociales. Pénuries et accroissement de la masse monétaire, en provoquant une forte inflation, ont profité aux agriculteurs, commerçants et artisans. Pour les autres, surtout le prolétariat urbain, la situation est difficile et malgré des réajustements salariaux et de nombreuses heures supplémentaires, la classe ouvrière a vu son pouvoir d’achat se contracter. La situation change au tournant au début des années 1950, avec les politiques libérales mises en place, surtout que l’amélioration des conditions la paysannerie n’a été causée que par l’inflation et ne reposait pas sur une modernisation du secteur agricole.

41 Avec la fin des pénuries, le rationnement est abandonné et la fin du soutien aux prix révèle les maux du secteur agricole et le début des années 1950 laisse craindre une répétition de la crise des années 1930. Dans le secteur commercial, le choc se fait sentir en 1952, alors que les mesures de stabilisation, en freinant la consommation, mettent en évidence l’archaïsme du secteur. Artisans et paysans constituent sans surprise la clientèle du poujadisme. À partir de 1954, la consommation devient le moteur de la croissance, ce qui s’illustre par l’augmentation continue de la consommation des ménages : 5 % en moyenne, par année, jusqu’à la fin de la décennie. Avec l’amélioration de la situation démographique, les nouvelles technologies et le développement de l’industrie légère, la France entre dans l’ère de la consommation de masse et ce secteur connait une croissance de 40 % entre 1950 et 1958.

42 Entre 1950 et 1957, les dépenses de santé augmentent de 80 %, ce qui constitue à la fois une cause et une conséquence de changements sociologiques et démographiques importants. Puis viennent les dépenses de confort : biens de consommation courante, biens durables et automobiles. Alors que de tout temps, la majorité des dépenses familiales étaient liées à la satisfaction des besoins essentiels, une part de plus en plus importante est consacrée à l’amélioration des conditions de vie. Si en 1944, le parc automobile s’établissait à 900 000 véhicules, il est de 5,8 millions en 1957, dont près de 4 millions de voitures particulières. Même chose dans l’électroménager : entre 1954 et 1957, le pourcentage de ménages possédant un réfrigérateur passe de 7 à 17 % ; 1 à 6 % pour les téléviseurs ; 7 à 18 % pour les machines à laver.

43 Dans les loisirs, l’augmentation entre 1953 et 1957 est de 35 %, alors que les dépenses liées à l'alimentation n’augmentent que de 15 %. Les conditions d’habitation demeurent difficiles. Si les efforts consentis sont importants (on construit 1 million de logements entre 1942 et 1958), ils ne suffisent pas à la demande et les prix demeurent élevés. Si cette amélioration du niveau de vie est favorisée par la politique économique du gouvernement, c’est un autre facteur qui permet l’expansion économique des « Trente glorieuses » : le baby-boom. Avant la guerre, la croissance démographique de la France reposait sur l’apport migratoire, le solde démographique naturel étant légèrement déficitaire. Les pertes de la guerre n’ont pas été catastrophiques (700 000 personnes), mais le contexte démographique déprimé rend ces dernières douloureuses.

44 La situation s’améliore au lendemain de la guerre. Entre 1946 et 1960, le taux de natalité croçît constamment, pendant que le taux de mortalité baisse. L’âge moyen demeure le même, grâce à l’augmentation de l’espérance de vie (63 ans pour les hommes, 68 ans pour les femmes en 1958), ce qui accroit le nombre de retraités, mais cela est compensé par le nombre de naissances : en 1958, le quart de la population a moins de 15 ans. La France de 1958 compte 44 millions d’habitants, mais seulement 20 millions actifs, ce qui permet pratiquement le plein emploi, tout en nécessitant un recours à l’immigration pour combler le manque de bras, poussant les salaires à la hausse et favorisant en retour la croissance économique. La prospérité des Trente Glorieuses apparait ainsi intimement liée à la poussée démographique.

45 3 – Cultures de l’après-guerre 3.1 – Des élites à la recherche d’un modèle L’intelligentsia française sort de la guerre sonnée, alors que les camps de la mort et Hiroshima ont achevé d’établir la vérité rabelaisienne : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Il y eut des rages, suscitées par la collaboration de certains grands noms, celles du CNE, qui poussent à l’exécution Brasillach, à la prison Rebatet, à l’exil Céline ou au suicide Drieu La Rochelle, en plus de bannir et d’interdire de publication 160 auteurs. Bien sûr, les plus ardents pourfendeurs n’étaient pas toujours les plus ardents résistants…

46 L’existentialisme constitue le courant emblématique de l’après-guerre, même s’il est fondé précédemment, L’être et le néant ayant été publié en 1943 : comme Dieu n’existe pas, l’individu doit se faire lui-même et seuls comptent ses gestes. Il faut refonder le monde, l’organisation sociale et politique. Tous parle de liberté, mais le sens de ce mot fait débat. Certains voient dans le communisme le salut, mais pour beaucoup d’entre eux cela ne durera pas, la Guerre froide imposant bientôt sa lecture du monde. Thuriféraires du communisme et du capitalisme s’accusent mutuellement de tous les maux qui rongent le monde, mais, les tenants du modèle américain s’imposent, laissant aux seuls partisans, ou presque, du PCF, la défense de la Patrie du socialisme, dont la popularité s’étiole le long des crises de la guerre froide : Berlin (1948), la Corée (1950), Budapest (1956).

47 Ceci s’explique aussi bien sûr par la popularité des arts venus d’Amérique, en musique ou au cinéma. Même si le statut revendiqué par le PCF de parti de l’intelligentsia est partiellement mythique, sa force est grande, comme en font foi les différentes élections des années 1950. Le PCF a ses intellectuels, qui quitteront massivement le navire au lendemain de Budapest. Quant aux autres domaines artistiques, leur nature les tient plus éloignés de l’idéologie et les combats se situent davantage sur le terrain de l’esthétique. Les peintres scandaleux de l'Entre-deux-guerres sont maintenant reconnus et l’abstraction devient la norme esthétique, pendant que le surréalisme connait jusqu’au milieu des années 1960 une seconde vie (Dali, Magritte). Le réalisme se laisse souvent limiter par les consignes d’un PCF en proie aux démons du jdanovisme, mais des peintres comme Fougeron ou Pignon parviennent à mettre de l’avant leur talent.

48 3.2 – Cultures de masse La période d’avant-guerre a transformé les rapports entre l’État et la culture dans un sens interventionniste et le préambule de la constitution de 1946 proclame le droit à un accès égal pour tous à la culture, même si le 0,1 % du budget de 1946 dédié à la culture illustre les limites des efforts de l’État Les résultats de la politique culturelle des gouvernements de la IVe république ne sont pas négligeables, même si le paternalisme sous-jacent à certaines des politiques favorise une démocratisation qui ne concerne que les classes moyennes. À la fin de la décennie, on compte en France près de 200 maisons des arts et de la culture, plus quelques milliers de clubs et autres organisations de promotion culturelle.

49 Le Théâtre national populaire fondé par Vilar dans les années 1920 connaît un renouveau, les subventions permettant à l’administration de proposer des tarifs et rendant accessible la fréquentation. Sartre, Camus et les autres grands noms de la littérature profitent d’une grande diffusion sociale, même si les pièces de boulevard constituent la base du répertoire. Malgré les efforts déployés par les organisations théâtrales, le 6 e art ne parvient pas à supplanter le 7 e en tant qu’art démocratique. Le cinéma national recule, conséquence de l’ouverture des frontières imposées par le Plan Marshall et des limitations financières dont souffrent les entreprises de production. Cela se traduit par une invasion du film américain et au début des années 1950, près de 70 % des projections viennent d’outre-Atlantique.

50 Mais le cinéma français produit plus 100 longs métrages annuellement, pour 400 millions d’entrées. Les mélanges de genre n’existent pas, ou peu : les productions françaises poursuivent la tradition d’avant-guerre (cinéma didactique, film historique ou poétique), laissant le cinéma américain occuper le terrain sur ses spécialités propres La vraie menace vient du « petit écran », dont la société de consommation va bientôt faire la reine du foyer : 50 000 téléviseurs en 1953, mais 600 000 en 1958… La programmation empiète alors sur tous les autres lieux ou méthodes de diffusions culturelles : musique, théâtre, documentaires, divertissements, etc. La radio pénètre beaucoup plus profondément que la télé, limitée surtout à Paris : de 5 millions 1945, le nombre de récepteurs atteint 10 millions 10 ans plus tard, justifiant le soin mis en 1945 par l’État du contrôle de ces médias par la RTF (Radio-télévision française).

51 La presse écrite commence son déclin. Alors que la population augmente, mais les tirages des différents journaux et magazines plafonnent à des chiffres semblables à ceux de l’Entre-deux-guerres. Les publications qui s’en sortent le mieux sont celles qui laissent une certaine place au 9 e art, pour lequel l’engouement d’une partie importante de la population ne se dément pas. Ce tableau ne serait pas complet s’il ne mentionnait pas cette autre forme de divertissement qui captive et de très larges secteurs de la population : le sport. Si les efforts de l'État dans ce secteur ne se sont pas traduits par une participation active de la population et malgré le fait que les enthousiasmes politiques pour l’activité physique des régimes autoritaires ont laissé un arrière-goût, les « Dieux du stade » ont la côte au lendemain de la guerre.

52 La généralisation des retransmissions d’événements sportifs et l’accroissement du nombre de foyers en mesure de capter celles-ci font des années 1950 une période faste, particulièrement lors des événements de grande envergure nationale ou internationale.

53 4 – Politique étrangère 4.1 – La France victorieuse? Situation étrange que celle de la France après la guerre, car se pose une question dont la réponse a été imposée par la ténacité du général De Gaulle et la conjoncture, mais qui, en 1944, n’est pas évidente : la France est- elle dans le camp des vainqueurs ou des vaincus? Car au moment de l’offensive alliée, le gouvernement reconnu par les Alliés se trouve à Vichy et il est dirigé par le maréchal Pétain. Même si la légalité de la transformation du régime en juin 1940 est douteuse, le général De Gaulle et sa France Libre n’ont d’autre légitimité que celle d’avoir toujours combattu les forces de l’Axe.

54 Ainsi, le régime légitime de la France en 1944 collabore avec l’ennemi des Alliés. On peut prétendre que Vichy n’a pas le choix, mais dans ce cas, il faut en dire autant des autres satellites de l’Allemagne, dont aucun ne prétend au statut de vainqueur. De même, la contribution militaire de la France libre à la victoire des est modeste. Sans rejeter les efforts des colonies et l’esprit de sacrifice de la résistance française, la Division Leclerc de De Gaulle qui a « libéré » Paris ne constitue pas une force militaire significative. Les Alliés ne considèrent pas sérieusement le général et les États-Unis n’avaient aucune envie de laisser la France s’organiser seule et préféraient un gouvernement d’occupation interallié. C’est pourquoi, sans qu’il éprouve une grande sympathie pour le régime soviétique, De Gaulle tente de se tourner vers Staline.

55 Mais si ce dernier peut être tenté d’utiliser la France pour faire pression sur les Anglo-américains, il est hors de question de laisser Paris occuper une place comparable à celle des « véritables vainqueurs ». Rien n’illustre mieux la position de la France que son absence à Yalta, où Churchill parviendra à convaincre ses interlocuteurs de la nécessité de concéder à la France une zone d’occupation en Allemagne. L’insistance du général finira pas payer : à Potsdam, la France se voit donner une place à la Conférence des ministres des Affaires étrangères, instance ayant pour tâche de gérer la situation en Allemagne. Cette position est cohérente avec les résultats de la conférence de Dumbarton Oaks, où les bases de l’ONU avaient été jetées et au cours de laquelle il avait été décidé de faire une place à Paris au Conseil de Sécurité, lui donnant le statut de puissance victorieuse.

56 De Gaulle a réussi à imposer aux Anglo-américains l’idée qu’une France puissante serait utile après la guerre pour contenir le revanchisme allemand et pour faire contrepoids à l’Union soviétique. C’est donc beaucoup plus la situation de l’après- guerre que la participation de la France à la victoire qui lui vaut d’être proclamée membre du club des puissances victorieuses. Mais en dépit de cette présence, la puissance française n’est plus et Paris dépend grandement pour sa politique extérieure, mais aussi intérieure, de la bonne volonté de ses alliés, au premier chef, des États- Unis. En sus de cette reconnaissance très pragmatique de sa puissance, Paris ne dispose plus, parmi les attributs d’une véritable puissance, que de son empire colonial. Et d’ailleurs, celui-ci ne tardera pas à comprendre la valeur réelle de ce statut…

57 4.2 – La France, l’Allemagne et l’OTAN Après la guerre, Paris, s’emploie à rétablir des relations normales avec Rome. Le fait que le pays change de camp en 1943 et qu’il ait été victime de la violence nazie, le rend plus sympathique aux yeux de la France et de ses dirigeants que, par exemple, l’Espagne, qui n’a pas participé à la guerre, mais dont le régime franquiste apparaît comme une menaçante aberration. La diplomatie française se montre plus vindicative à l’endroit de l’Allemagne qu’en 1919, le nazisme étant alors perçu comme une évolution naturelle du militarisme prussien. Pour la France, seul le démembrement de l’Allemagne peut mettre fin à la menace. En 1945, les Alliés partagent cet avis, mais l’évolution de leur relation change la dynamique, les deux camps espérant instrumentaliser la situation en Allemagne.

58 Dès Potsdam s’établit un consensus entre les trois puissances, qui isole la France : démilitarisation, épuration, réparation, mais pas de démembrement. Paris continue de s’opposer à la reconstitution d’un État central en Allemagne et maintiendra cette ligne jusqu’en 1948, d’où la tentative renouvelée de prendre le contrôle économique de la Sarre en 1947. Mais le « Coup de Prague » change la perception de la diplomatie française et Paris se joint à l’interprétation de ses alliés quant à la menace la plus inquiétante (l’expansion soviétique) et à la meilleure stratégie pour s’y opposer : un État allemand fort. Le 1 er août 1948, la France joint sa zone d’occupation à la bizone anglo-américaine constituée en 1947, ce qui pave la voie à la réunification des trois zones d’occupation qui, en mai 1949, deviennent la République fédérale allemande.

59 Cette évolution a été rendue possible par les changements à Washington et à Moscou, la France faisant le douloureux apprentissage de ne plus être en mesure de mener une politique étrangère indépendante. Le discours de Fulton, la doctrine Truman, la création du Kominform, la doctrine Jdanov et la situation internationale forcent la France à s’engager du seul côté que sa tradition lui permet, soit Washington. L'alliance américaine répond à des intérêts économiques, mais encore plus à des intérêts sécuritaires, alors que c’est l’Europe, et non les États- Unis, qui réclame une alliance du monde occidental contre la menace soviétique. Une grande partie de l’opinion et de la classe politique américaines rêvent de revenir à la politique d’isolement de Washington, mais Truman, parvient à obtenir l’accord du Sénat pour entamer des négociations qui vont aboutir le 4 avril 1949 à la création de l’OTAN.

60 Si le débat concernant la ratification du traité à l’Assemblée nationale fut houleux, le vote fut cependant sans ambiguïté, alors qu’à 395 voix contre 189, les députés se prononcèrent pour la ratification. Dans les années qui vont suivre se mettront en place les différentes structures politiques et militaires de l’OTAN.

61 4.3 – Début de la Construction européenne Contre la menace soviétique, la protection de la superpuissance américaine semble insuffisante, compte tenu des délais nécessaires au déploiement de forces suffisantes pour contrer une éventuelle offensive. Américains et Britanniques s’emploient dès 1945 à favoriser la création de la meilleure force de résistance possible, une union des États d’Europe occidentale. La chose apparait impossible jusqu’en 1948, la méfiance de la France à l’endroit de l’Allemagne rendant impensable un rapprochement des deux États En mai 1948 se tient un « Congrès de l’Europe » réunissant gens d’affaires et politiques à La Haye, « unionistes » ou « fédéralistes », pour discuter de l’avenir commun du continent.

62 Ces efforts aboutiront à la création d’un Conseil de l’Europe à Londres en mai 1949, permettant le maintien à un haut niveau des discussions. 1950 voit l’apparition des premières structures d’unification du continent : une organisation franco- allemande pour gérer deux éléments nécessaire à la reconstruction européenne, le charbon et l’Acier. L’idée de Jean Monnet est de privilégier une solidarité de faits sur des questions précises entre les États européens plutôt que de tenter de concilier une multitude d’intérêts divergents, une stratégie de « petits pas » vers une convergence économique, qui entrainera une convergence politique. Cette idée, qui constitue la base de la construction européenne, se voit doter un an plus tard d’une première structure, avec la création le 18 avril 1951 de la CECA à laquelle adhèrent la France, la RFA, l’Italie, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas.

63 Mais le chemin vers l’établissement d’une relation de confiance entre Paris et Bonn sera long, comme le mettent en évidence les discussions entourant la mise en place de la CED. Cette éventualité réclame le réarmement de l’Allemagne, ce à quoi Paris n’est pas prêt : alors que la mort de Staline détend les relations internationales, le débat sur le traité instituant la CED se solde par le rejet du projet par les parlementaires français en août 1954. Refusant le réarmement allemand dans le cadre de la CED, Paris est prêt à l’accepter dans celui de l’OTAN, car au sein de la CED, l’Allemagne aurait fini par s’imposer, alors que dans le cadre de l’OTAN, la présence américaine rend cette situation impossible C’est ce qui permet la ratification par l’Assemblée nationale des Accords de Paris en mai 1955. La RFA intègre l’OTAN et est conséquemment invitée à se réarmer.

64 Cet événement fera beaucoup pour rapprocher les deux grands ennemis, mais les événements extérieurs ont aussi contribué au rapprochement à partir de 1956. Il y a d’abord la crise de Suez, venant après la catastrophe indochinoise, qui rappelle à Paris sa place et sa subordination de fait. Mais la crise de Budapest est au moins aussi importante, car elle fait comprendre à Paris la nécessité d’inclure l’Allemagne dans le système de défense. Grâce à l’entente franco-allemande, la question sarroise pourra être réglée : le territoire de la Sarre, qui avait été détaché administrativement de l’Allemagne et rattaché économiquement à la France après la guerre réintègre la RFA le 1 er janvier 1957 Et c’est aussi dans ce contexte que la construction européenne reprendra de plus belle, allant désormais beaucoup plus loin.

65 Des délégués des membres de la CECA se réunissent à partir de l’automne 1956 au sein d’un comité présidé par le premier ministre belge, pour discuter d’une extension de l’entente sur le charbon et l’acier. En France, les recommandations du comité Spaak donnent lieu à un débat qui se conclut par une adhésion aux deux institutions proposées par le comité. Il s’agit d’abord d’Euratom, organisation transnationale chargée de mettre en commun l’expertise et les ressources des membres de la CECA afin de développer la filière nucléaire civile. Surtout, la CECA sera remplacée par une autre organisation, dotée de prérogatives plus importantes et élargissant à la coopération européenne, tout en supprimant un grand nombre de barrières commerciales entre les membres. La Communauté économique européenne, la CEE, est née.

66 Dès la fin de 1957, les deux organisations commencent à travailler et le 1 er janvier 1959, le marché commun entre en vigueur. En un peu plus de dix ans, les ennemis héréditaires de la première moitié du XXe siècle ont enterré la hache de guerre pour constituer l’axe fondamental d’une construction visant à dépasser les clivages de l’État- nation, jugé par beaucoup responsable des deux grandes guerres.

67 4.4 — Le début de la fin de l’empire Si les événements de la Guerre froide ont contribué à la prise de conscience par la France de la fin de sa puissance, un autre processus fut tout aussi important : la dislocation de l’empire. Si dans les années 1930 certaines composantes de l’empire commencent à réclamer plus d’autonomie ou la fin de la domination française sur leur territoire, c’est surtout la Seconde Guerre mondiale qui enclenche un processus qui va mettre fin à l’empire français. Trois raisons expliquent ce mouvement. D’abord, la participation des forces coloniales à la guerre et à la libération de la France incite les nations soumises à réclamer une récompense qui leur semble aller de soi : si la France a droit à son indépendance, pourquoi les nations de l’empire n’auraient-elle pas ce droit?

68 Deuxièmement : l’affaiblissement de la France. Les forces politiques des colonies s’enhardissent et réclament soit une large dévolution de pouvoir, pour les plus modérés, soit une indépendance complète. Troisièmement : à partir de 1953, la politique étrangère soviétique considère les mouvements anticoloniaux comme des alliés objectifs, ce qui fait de l’URSS le « protecteur » des nations colonisées. Dans le contexte de la Guerre froide, les mouvements nationaux des colonies peuvent compter sur « l’aide fraternelle et désintéressée de la patrie du socialisme »… Après la guerre, la France ne le comprend pas encore. Seul le PCF est favorable à une révision de la posture coloniale, le reste de la classe politique oscillant entre l’hésitation (les socialistes) et la franche hostilité devant la révision des rapports avec les colonies. La guerre d’Indochine, et surtout celle d’Algérie, rappelleront à Paris sa les limites de sa puissance.

69 Dès 1945, les indépendantistes du Viet Minh prennent le contrôle de l’Indochine, provoquant l’envoi par Paris d’un corps expéditionnaire. La situation dégénère et le contexte mondial et régional transforme la guerre en un bras de fer entre les deux blocs, dans lequel la France n’est pas de taille. Malgré le soutien de Washington, les forces françaises se retrouvent en position difficile et après Diên Biên Phu en 1954, la France n’a d’autres choix que de négocier. Par les accords de Genève de juillet 1954, la France est éjectée de l’Asie du Sud-Est, au bénéfice des parrains des deux nouveaux États. Ainsi prend fin une guerre de sept ans qui a emporté 3 000 milliards de francs et la vie de 100 000 soldats. Bien que douloureuse, la perte de l’Indochine eut un impact mineur sur la situation intérieure et extérieure de la France.

70 On ne peut en dire autant de la guerre d’Algérie, qui entraînera éventuellement la fin de la IVe république. L’Algérie n’est pas une colonie comme les autres : en Tunisie ou au Maroc, Paris a conservé la structure politique, alors que l’Algérie n’avait aucune unité étatique lors de l’arrivée des Français. Les trois départements algériens sont égaux aux départements de la métropole, mais cela ne concerne que les résidants français, soit 10 % de la population. Le niveau de vie de cette minorité est nettement supérieur à celui des musulmans et elle occupe l’ensemble des leviers politiques. Quand la crise éclatera, la métropole n’aura pas d’interlocuteurs musulmans et ne pourra dialoguer qu’avec les pieds-noirs, qui disposent des mêmes droits politiques que les Français de la métropole et qui n’ont aucun intérêt à des changements.

71 À l’été 1954, des radicaux lancent une série d’attaques terroristes contre des bâtiments civils et militaires, tout en proclamant un Front de Libération Nationale (FLN) et une Armée de Libération Nationale (ALN). Au lieu de n’utiliser que la force, comme le réclament les colons, la métropole, tout en rétablissant l’ordre, lance des réformes, sans succès. En 1955 les radicaux lancent des attaques contre les quartiers des Français, qui répliquent. La guerre civile est engagée et les tentatives menées par le gouvernement pour poursuivre des réformes se heurtent au refus des pieds-noirs. Désireux de trouver une sortie de crise négociée, le gouvernement décide qu’il faut d’abord écraser le FLN et augmente les forces militaires, donnant carte blanche à l’armée, dont la violence, qui répond à celle du FLN, ne fait qu’envenimer la situation.

72 Sur le plan international, la France est isolée; le budget est mis en difficulté par l’accroissement des dépenses, au point où le gouvernement Mollet doit remiser sa politique sociale et hausser les impôts. À ces causes de mécontentement s’ajoute le rejet de cette guerre violente, ce qui se répercute sur le gouvernement, incapable de maintenir une majorité. Si on ajoute à ces deux crises l’indépendance de la Tunisie et du Maroc en 1956, de même que diverses politiques, en Afrique subsaharienne, par exemple, qui mèneront au détachement d’autres territoires au début de l’ère gaullienne, on peut dire que la IVe république fut le fossoyeur du second empire colonial de la France.


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