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Nicolas Fortané D’un concept scientifique et médical à une catégorie d’action publique Socio-histoire du problème des « addictions » 15 avril 2015 – Paris.

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1 Nicolas Fortané D’un concept scientifique et médical à une catégorie d’action publique Socio-histoire du problème des « addictions » 15 avril 2015 – Paris Diderot

2 Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2  Questions de recherche : pourquoi une histoire de la catégorie « addiction » ?  Question de la sanitarisation des problèmes publics  Question de la régulation des usages de drogues  Question des savoirs en politique (production, circulation, appropriation)  Objet : le plan triennal de la MILDT de 1999  Première politique publique à utiliser le terme d’addiction (fusion des secteurs de la lutte contre l’alcoolisme, le tabagisme et l’alcoolisme)  Aspects méthodologiques  Archives  Entretiens  Plan de l’intervention Introduction Prologue Partie 2 2.1 2.2

3  Rappel historique de la lutte contre l’alcoolisme et la toxicomanie  Emancipation de la psychiatrie à la fin du XIX° siècle  Institutionnalisation à partir des années 1960 et 1970 (CCAA et CSST)  Domination d’une approche curative fondée sur l’approche « produit » et la psychanalyse  Les régulations des usages de drogues à l’orée des années 1990 : quelles frontières tend à recomposer l’émergence des addictions (via la sanitarisation des drug policies) ? Prologue ConsommationProduction et commercialisation Espace liciteUsage thérapeutiqueMonopole de la médecine et la pharmacie Espace illiciteToxicomanie, addiction Usage récréatif hédoniste Trafic de stupéfiants Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

4  Découverte de la dopamine et développement des neurosciences  La dopamine : d’une éclatante victoire académique à une entrée discrète en politique  La dopamine : du débat public au problème politique LA CONSTRUCTION SCIENTIFIQUE DES ADDICTIONS Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

5  Années 1980 : controverse scientifique dans le champ de la neurobiologie des drogues  1988 : clôture de la controverse La dopamine : d’une victoire académique éclatante à une entrée discrète en politique Et puis en 1988, il y a une équipe italienne qui montre que la morphine libère de la dopamine, alors là tout le monde s’écrase en disant « bah oui, c’est clair ». Alors l’amphétamine, la cocaïne, la morphine, tout ça c’est la dopamine, ça y est c’est gagné, c’est 1988, PNAS, Di Chiarra… et là l’affaire est close, on ne va quasiment plus en discuter. D’autant plus que Di Chiarra est un type qui est une sorte de… c’est un italien, très beau, très élégant, qui parle bien et qui va utiliser à fond ce truc et qui va se mettre à multiplier les publications pour dire à peu près la même chose. Mais maintenant, avec le recul, on se dit qu’il a un peu bricolé, ce sont des effets qui sont très faibles, significatifs mais à la marge. Oui voilà, ce sont des effets à la marge, mais comme son truc tournait, tout le monde était convaincu et tout le monde l’est encore. Il a vraiment réussi un gros gros coup, il y a des tas de gens qui se sont mis à travailler là-dessus en se disant « c’est la dopamine, maintenant on en est sûr, il faut désormais le détailler, on va détailler tout ce que fait la dopamine ». Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

6  Le « couple » dopamine/substances psychoactives La dopamine : d’une victoire académique éclatante à une entrée discrète en politique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

7  Entrepreneur scientifique : JP Tassin  Entrepreneur administratif : P Sansoy Et dans ces années-là [1982-1983], il y a X, que vous devez connaître, qui m’a appelé et qui me dit « qu’est ce que vous connaissez sur la cocaïne, ça vous intéresserait de travailler un peu dans ce domaine ? ». Et donc c’est lui qui me propose d’aller voir ce que fait la cocaïne, les amphétamines… Vous le connaissiez, vous l’aviez déjà rencontré ? Non, je ne le connaissais pas. A priori, lui il a fait de la biblio, il a vu que je travaillais sur la dopamine, en fait il cherchait un français, enfin une équipe française, qui s’intéressait à l’« addiction ». Enfin ce n’était pas l’« addiction » à l’époque, on parlait des drogues, enfin de la toxicomanie. (…) Et puis il y a eu un évènement assez important, en 1990 environ, et là encore X, finalement c’est plutôt lui qui peut revendiquer pas mal de choses, me dit qu’il faudrait faire un bouquin sur la toxicomanie, une étude de la neurobiologie des « addictions ». Et là j’avais un thésard qui cherchait à avoir de l’argent et là, il me dit « on peut très bien payer ». Donc on a fait ce travail, qui était en fait un des premiers bouquins sur la neurobiologie des « addictions » et qui est sorti en 1992 ou quelque chose comme ça.  Premier rapprochement de deux espaces de circulation des discours experts sur les drogues La dopamine : d’une victoire académique éclatante à une entrée discrète en politique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

8  Ouverture d’un débat public sur la dépénalisation du cannabis  1994 : rapport du CCNE sur « les toxicomanies »  1995 : rapport Henrion (cause antiprohibitionniste)  Circuit de déconfinement du savoir expert et amorce de référencement de la catégorie savante à un enjeu politique  Neurobiologie → neurobiologie des addictions (INSERM) → MIRE → MILDT → CCNE → débat public sur les drogues  Circulation d’une production experte mais traduction/appropriation politique encore faible :  Arènes périphériques et marginales des drug policies  Propriétés intrinsèques de la théorie de la dopamine inadaptée La dopamine : du débat public au problème politique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

9  Multiplications des prises de position « on doit s’interroger sur le droit des usagers de drogues, qui sont des citoyens à part entière. (…) N’utilisons pas le mot dépénalisation, qui fait croire à un laxisme coupable en faveur des trafics et des trafiquants. Parlons de réglementation nécessaire de l’usage »  Secrétaire d’Etat à la Santé en 1997 : organisation des rencontres nationales sur l’abus et la dépendance…  … mais grande prudence politique : besoin d’un savoir légitime La dopamine : du débat public au problème politique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

10  B. Kouchner et la dépénalisation : l’appropriation d’une cause politique en quête de légitimité technique/scientifique  Trajectoire de Kouchner : French Doctor, entrée tardive en politique, ministre de la Santé en 1992 Si vous voulez, quand Kouchner est ministre de la Santé plein pot, donc en 1992-1993, moi il me charge de m’occuper de ce problème, à l’époque il n’y connaît pas grand-chose et petit-à-petit il pense que c’est un objectif à atteindre [la révision de la loi de 1970] et comme il sera ministre, ou en tout cas secrétaire d’Etat assez souvent, il va à chaque fois essayer de faire avancer un peu plus La dopamine : du débat public au problème politique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

11 La dopamine : du débat public au problème politique  Le rapport Roques comme référencement d’un savoir expert à une entreprise réformatrice « on peut distinguer trois groupes [de psychotropes] si on cherche à comparer leur « dangerosité ». Le premier comprend l’héroïne (et les opioïdes), la cocaïne et l’alcool, le deuxième les psychostimulants, les hallucinogènes, les benzodiazépines et le tabac et, plus en retrait, le cannabis » Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

12 La dopamine : du débat public au problème politique  Le rapport Roques comme référencement d’un savoir expert à une entreprise réformatrice « nous ne pouvons demeurer le seul pays à rester loin des faits, dans des postures idéologiques conduisant à stigmatiser un toxique, sans le comparer à d’autres » ; « la séparation entre drogues licites et illicites basée sur des critères de risques d’addiction se trouve remise en cause par les progrès de la recherche sur les mécanismes d’action de ces substances » Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

13 Le rapport Roques est un bon exemple d’une utilisation à des fins politiques de données scientifiques. Le rapport Roques, Kouchner le commande après avoir fait les états- généraux de la toxicomanie et promettait un tas de choses. On allait changer tout, y compris changer la loi de 1970, y compris revenir sur la pénalisation de l’usage, revenir sur l’interdiction du cannabis… Il y avait tout un tas de promesses comme ça. Et puis, bon, apparemment, ça a été compliqué. Et quand c’est compliqué, on demande un rapport scientifique et donc avec Roques, on a eu trois mois pour faire le point de la situation sur la dangerosité des drogues, pour botter en touche sur la question du cannabis, et de l’alcool, et essayer de dépasser la séparation des produits pour avoir accès à une vision scientifique du danger des drogues. Ça s’est fait en 1996-1997 autour du Rapport Roques et de la décision de la MILDT d’intégrer l’alcool et le tabac dans le champ des drogues au nom des addictions. J’ai participé au Rapport Roques, j’ai encouragé ce mouvement. C’est vrai que là l’idée neurobiologique d’une voie finale commune dopaminergique de toutes les addictions a été un peu un fer de lance de ce mouvement. Ça a été une des manières d’influencer les choix politiques avec des arguments qui paraissaient plus solides que des arguments de cliniciens ou encore plus de psychanalystes. Mais c’est assez amusant parce que aujourd’hui, 10 ans après, c’était en 1997, il n’y a plus aucun neurophysiologiste qui croit que la dopamine soit la voie finale commune qui s’active dans toutes les addictions. Ce sont des vérités scientifiques dures, ce qui a permis de s’asseoir sur quelque chose de solide pour faire des choix politiques, mais comme beaucoup de vérités scientifiques, elles étaient extrêmement friables, tout à fait transitoires, elles ont été remplacées par d’autres. Il n’y a plus un seul neurophysiologiste pour dire aujourd’hui ce qu’il disait il y a 10 ans.

14  Histoire longue depuis les débuts de la psychanalyse  Redéfinition en 1990, dans le sillage des transformations de la psychiatrie américaine (DSM- III et cognitivo-comportementalisme)  Premières importations françaises  Succès politique des « addictions »  Les prédispositions à l’avant-garde (ou comment naissent les pères fondateurs ?)  Les coulisses du succès (ou comment vainquent les brokers ?) La construction médicale des addcitions Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

15 Le « trouble addictif » selon Goodman (1990) : ● impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager dans un comportement spécifique ; ● tension interne croissante avant d’initier le comportement ; ● sentiment de plaisir ou de soulagement en entreprenant le comportement ; ● sentiment de perte de contrôle pendant la réalisation du comportement ; ● au moins cinq des manifestations suivantes : 1. préoccupations fréquentes pour le comportement ou les activités préparatoires à sa réalisation, 2. fréquence du comportement plus importante ou sur une période de temps plus longue que celle envisagée, 3. efforts répétés pour réduire, contrôler ou arrêter le comportement, 4. temps considérable passé à préparer le comportement, le réaliser ou récupérer de ses effets, 5. réalisation fréquente du comportement lorsque des obligations occupationnelles, académiques, domestiques ou sociales doivent être accomplies, 6. d’importantes activités sociales, occupationnelles ou de loisirs sont abandonnées ou réduites en raison du comportement, 7. poursuite du comportement malgré la connaissance de l’exacerbation des problèmes sociaux, psychologiques ou physiques, persistants ou récurrents, déterminés par le comportement, 8. tolérance : besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence du comportement pour obtenir l’effet désiré, ou effet diminué si le comportement est poursuivi avec la même intensité, 9. agitation ou irritabilité si le comportement ne peut être poursuivi. ● Certains symptômes du trouble ont persisté au moins un mois ou sont survenus de façon répétée sur une période prolongée.

16 Pères fondateurs et policy brokers : es entrepreneurs de l’addictologie

17  Socialisation à la psychiatrie dans les années 1960 et 1970  Implication dans le monde de l’alcoologie  Implication dans le monde de l’intervention en toxicomanie  Des visions et des ambitions trop précoces  Un premier échec… puis une retour aux sources Comment naissent les pères fondateurs ? Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

18 Michel Reynaud : Quand j’ai pris mon service à Clermont-Ferrand, j’ai pris un service de psychiatrie qui avait un secteur, qui historiquement s’occupait de l’alcool. Avec le professeur Planche, on gérait le CCAA à partir du CHU. Et il avait aussi pris la tox, il s’en occupait moins, mais quand je suis arrivé j’ai récupéré la présidence du CSST. C’est-à- dire qu’à partir du CHU, on avait la psy et de l’alcool et de la tox. Et donc en plus de l’hospitalier, on avait des structures ambulatoires. Et donc après, ça m’a mené à approfondir et à défendre un approche commune. (…) Je crois qu’on était les seuls [à faire cela]. Après j’ai rencontré Parquet. Philippe-Jean Parquet : Et ça, si vous voulez, ça a été le point de départ. Quand j'ai repris le Pavillon 54 au CHU de Lille, quand j'ai créé le Centre d'Information et de Traitement des Dépendances, on en était à peu près là. Si vous voulez, le Centre d'Information et de Traitement des Dépendances, c'était la mise en scène de ce que j'avais essayé de vendre comme marchandise conceptuelle.

19  La lente maturation d’un catégorie transversale : HCSP, INSERM…  Un relais au cœur de l’Etat : DGS, DH  Les premiers rapports  Le rapport Parquet/Reynaud  Une institution qui porte la cause addictologique Comment vainquent les brokers ? Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

20 Michel Reynaud : Donc je suis passé à la DGS où j’ai eu des relais sur l’alcool et c’est là que j’ai retrouvé Parquet. Et nous nous sommes retrouvés un jour dans le bureau de Joël Ménard et il nous a dit, parce que vous savez, on avait une pensée assez commune déjà orientée, il a dit « faîtes un rapport sur les pratiques addictives », donc ça a été le rapport qui a fait la politique de la MILDT. Parce que Nicole Maestracci avait envie d’avoir un sujet et un contexte et elle a saisi certes l’intérêt scientifique mais aussi l’intérêt stratégique. Et donc ça a été porté politiquement et ça a eu beaucoup plus de facilité à… Philippe-Jean Parquet : Le lendemain de sa nomination [Nicole Maestracci] me dit au téléphone « je veux vous voir » et je lui vends ma salade. C'est ce qu'on appelle le rapport Parquet. À partir de ce moment-là, Nicole Maestracci, étant persuadée que ça répond aux besoins et attentes, sans dogmatisme sans rien, puisqu'elle ne connaissait que l'aspect juridique, trouve que c'est un cadre conceptuel important, et du coup elle va le mettre en politique. Et d’une conceptualisation on va faire une politique de santé, et du coup le plan triennal. (…) À un moment donné, Nicole Maestracci dit « qu'on me propose une conceptualisation du champ, je vais la mettre en scène, je vais transformer ça en une politique ». À ce moment-là une chance extraordinaire, je connaissais Kouchner, je vends ma salade à Kouchner, et Kouchner valide. (…) Cette politique-là ne s'est pas faite beaucoup dans les documents. On était dans une politique, qui est une politique, si vous voulez, d’influence des leaders… C’est- à-dire que c’est de la politique de couloir.

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22 « La nécessité d'un soubassement de connaissances communes aux différents chargés de mission est affirmée. La complexité et la technicité des thèmes abordés demandent un réel travail d'appropriation [souligné par nous], qui ne peut être atteint par la lecture de simples synthèses forcément réductrices. Cependant, certains chargés de mission récusent cette vision en arguant qu'il ne leur est pas possible de lire et digérer toute la littérature existante et qu'ils souhaitent des synthèses et des fiches de lecture. La prééminence de la culture orale qui caractérise la MILDT ne joue pas favorablement à cet égard. Il faut sans doute mieux organiser le passage à l'écrit. Chaque chargé de mission a un rôle pédagogique vis-à-vis de ses collègues et doit s'efforcer de diffuser les nouvelles connaissances dans son domaine. Il faut traiter la question de la mémoire, des archives, notamment vivantes, afin de pouvoir accéder à un dossier complet. Cela requiert la mise en place d'un plan de classement qui est à l'ordre du jour. La connaissance réciproque des différents projets portés au sein de la MILDT constituerait déjà en soi une forme de diffusion des savoirs. La phase d'intégration des nouveaux chargés de mission pourrait être mise à profit pour l'appropriation de ce socle de connaissances, qui n'est pas que livresque, la participation à des comités restreints, la visite de prisons, d'hôpitaux, de commissariats, la rencontre d'acteurs de terrain, etc. doivent également faire partie de cette phase d'immersion. Une mallette contenant les principaux rapports à connaître et une bibliographie de base pourrait être réalisée.

23  Nomination de N. Maestracci en juin 1998, suite à la publication du rapport Roques  Dossier alcool  Création d’Entreprise et prévention  Débats parlementaire sur l’« assimilation de l’alcool à une drogue »  Le « french paradox »…  … et la construction d’un consensus autour de l’approche « comportement »  Dossier dépénalisation  Un arbitrage institutionnel en faveur de la prohibition  Nouveaux espaces de circulations… nouvelles formes d’appropriation ?  Les circulaires Guigou LA CONSTRUCTION POLITICO- ADMINISTRATIVE DES ADDICTIONS Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

24 Tout est parti d’un coup de fil de Patrick Ricard à ses homologues. La loi Evin venait d’être adoptée et franchement, on peut dire qu’elle a pris tout le monde par surprise. Tout est allé tellement vite, on ne s’attendait pas à ça. Personne n’a vu le coup arrivé, on s’est retrouvé du jour au lendemain avec une interdiction totale de la publicité. C’est une loi quasiment prohibitionniste. Claude Got défend une vision liberticide de la santé publique et nous, on n’était pas du tout d’accord avec cette vision. Pour lui, les politiques de santé c’est du contrôle social, du contrôle des individus et surtout, un contrôle de l’offre et du marché. Avec cette loi, c’est bien simple, il s’apprêtait à faire mourir l’industrie. Donc nous, notre propos, ce n’est pas de dire que la consommation d’alcool ne pose aucun problème en termes de santé publique mais la politique de l’alcool ne peut pas être une politique de réduction du marché. Il faut se concentrer sur l’abus, il faut distinguer l’usage et l’abus et ce n’est pas du tout ce que fait la loi Evin. C’est n’importe quoi de dire que le secteur craint une disparition des alcooliques, nous, notre intérêt c’est que tous les français soient des consommateurs modérés. C’est pour ça que le monde de l’alcool doit être solidaire.

25 Un registre économique « Le discrédit ainsi jeté sur la viticulture française pourrait avoir des conséquences économiques. (…) Comparer l’une de nos plus belles productions nationales à des produits toxiques ne fait que dégrader l’image de la France et porte un coup sévère à l’image de nos produits à l’étranger. (…) Nos viticulteurs participent à l’expression et à la valorisation d’un savoir-faire millénaire que le monde entier nous envie » Un registre politique « Les professionnels de la filière vins et alcool se sentent mis en accusation. Il existe aujourd’hui une tendance à la dépénalisation des drogues douces ». « Mettre les boissons alcooliques au même rang que l’héroïne et la cocaïne pour justifier la dépénalisation du cannabis est extrêmement grave pour la santé publique » Un registre scientifique « L’OMS estime qu’en raison du manque d’études épidémiologiques fiables la possibilité de comparer les drogues licites telles que l’alcool et le tabac avec le cannabis relève davantage de la spéculation que de la science. (…) Ni le Lancet, ni le New England Journal of Medicine, ni le British Medical Journal, pour ne considérer que les trois principales référence en la matière, n’ont fait état du rapport Roques ou de ses conclusions »

26 Nicole Maestracci : Alors la relation entre la filière viti-vinicole et Entreprise et Prévention, enfin les brasseurs et les alcools forts, elle est plus complexe qu’on ne l’imagine. Entreprise et Prévention sait très bien mettre en avant la filière vinicole et puis ensuite la lâcher en rase campagne… Parce que dans les représentations françaises, c’est quand même le vin qui reste le produit fin, le produit phare, essentiel à notre culture, etc. Entreprise et Prévention avait même fait un document sur le cannabis, pour montrer que le cannabis était plus dangereux que l’alcool, enfin si vous voulez ils ont utilisé toute une série de voies, ils sont allés chercher des scientifiques à leurs bottes, ils ont une association de chercheurs qui travaille pour eux... Donc on était assez coincé je dois dire. Un président de l’ANPAA : Alors d’autre part, la viticulture française est une force économique importante, bien implantée dans les petites villes et les territoires, qui a son lobby parlementaire. On retrouve la dimension culturelle francophone latine, ce n’est pas très surprenant. Et puis derrière ça les brasseurs et les producteurs alcooliers de spiritueux qui se retrouvent dans Entreprise et Prévention, peuvent rester en deuxième ligne, afficher qu’ils font de la prévention et puis tirer les marrons du feu sans s’exposer en première ligne comme la viticulture qui déblayait le terrain.

27 Un chargé de mission de la MILDT : La seule chose qu’ils [les alcooliers] ne voulaient pas, c’est qu’il soit écrit par les pouvoirs publics, en toutes lettres, que l’alcool est une drogue. Donc, qui a trouvé l’astuce ? En tout cas, celui (ou ceux) qui a trouvé l’astuce est génial, je ne sais pas si c’est l’entourage du Premier Ministre, je ne sais pas si c’est l’entourage du cabinet de Glavany ou de Kouchner ou si c’est même ici les chargés de mission de la MILDT, parce que si on regarde le décret qui élargit les attributions de la MILDT à l’alcool et au tabac, il est dit comme par le passé que la MILDT est responsable de la prévention, de la prise en charge pour ce qui concerne les drogues illicites et que plus généralement elle s’occupe dans les politiques publiques de toutes les addictions dangereuses pour la santé. Toutes les addictions dangereuses pour la santé. À aucun moment on cite le tabac et l’alcool mais c’est évident qu’ils sont dedans. Là je pense que le lobby alcoolier est suffisamment intelligent pour comprendre qu’il ne pouvait pas contrecarrer l’évolution de fond mais a simplement œuvré pour qu’à aucun moment dans l’écrit public, l’écrit de type juridique, que ce soit dans le commentaire du décret, que ce soit dans l’expression publique des hommes politiques, il soit dit que l’alcool était une drogue, ce qui était dit, en toutes lettres, dans le rapport Roques. Donc c’est là-dessus qu’ils ont joué et je dirais que le secteur vinicole et viticole a suivi, sans comprendre bien de quoi il s’agissait. (…) Autrement dit, on a cette espèce de victoire à la Pyrrhus de « on élargit le champ d’intervention de la MILDT à l’alcool et au tabac » et au travers d’un décret, on dit simplement que désormais la MILDT est compétente pour toutes les addictions dangereuses pour la santé, ce qui voudrait dire qu’aujourd’hui on pourrait aussi s’intéresser, sans avoir à changer le décret, aux addictions sans produit en disant : « regardez notre décret, on est pertinent et on est à notre place pour nous occuper de toutes les addictions dangereuses pour la santé ». Donc il suffit que je prouve que telle addiction est dangereuse pour la santé, j’ai légitimement le droit et la capacité de m’en occuper. Alors, bon, effectivement c’est un tour de passe-passe, c’est génial ! Il fallait trouver le truc.

28  Nomination de N. Maestracci en juin 1998, suite à la publication du rapport Roques  Dossier alcool  Création d’Entreprise et prévention  Débats parlementaire sur l’« assimilation de l’alcool à une drogue »  Le « french paradox »…  … et la construction d’un consensus autour de l’approche « comportement »  Dossier dépénalisation  Un arbitrage institutionnel en faveur de la prohibition  Nouveaux espaces de circulations… nouvelles formes d’appropriation ?  Les circulaires Guigou LA CONSTRUCTION POLITICO- ADMINISTRATIVE DES ADDICTIONS Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

29 Mais qu’est-ce que ça veut dire concrètement ce mot arbitrage ? Est-ce que à un moment donné, Lionel Jospin devant ce capharnaüm arrête une ligne et impose à tout le monde de s’y tenir ? Est-ce plus appeler les gens à la raison et à s’entendre ou est-ce qu’à un moment donné lui fixe les règles ? C’est là où si vous voulez les processus de décision gouvernementale, quand même, ce sont des arbitrages globaux, ce sont des lignes politiques, c’est pour ça qu’après c’est difficile. Un Premier Ministre ne s’occupe pas de la circulaire machin, même si les circulaires interministérielles sont vues dans le circuit etc., mais elles sont signées par le ministre. Et donc c’est vrai que la difficulté sur un sujet comme ça où vous avez des logiques de boutiques ou des logiques de lobby, il y a un cadrage politique qui est fait au début et puis après on ne lui en parle plus, on ne va pas aller tous les jours lui dire que le service machin ou le ministère de l’Intérieur ne veut pas. Dans ce cas-là, Nicole Maestracci nous en faisait part et puis c’est chacun d’entre nous, en fonction du ministère d’où venait la difficulté, qui sollicitions nos correspondants dans les cabinets des ministres en disant « attendez, ça ne va pas, il faut respecter la ligne ». Et chacun remontait au créneau pour faire respecter la ligne politique, ça, c’est l’aspect, je dirais, le plus difficile de l’exercice des responsabilités. Parce que quand vous avez un gouvernement qui fonctionne, après il faut faire descendre à la fois sa ligne et la faire appliquer ! Et c’est là où c’est le plus difficile parce que les logiques de boutiques veulent reprendre le dessus et c’est un combat permanent, de tous les jours ! C’est pour ça que pour nous et pour Nicole Maestracci, ça a été un combat, une bataille de tous les jours ! Ah oui ! Parce que quand ces gens ont perdu un arbitrage, qu’ils n’ont pas eu raison, très bien, ils capitulent, ils sont bien obligés, mais ils essaient après de revenir par la fenêtre, c’est un processus un peu classique.

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33 En 1992, je suis partie comme juge de l’application des Peines à Bobigny où il y avait à l’époque beaucoup de toxicomanes mourraient du sida, c’est là que j’ai pas mal travaillé sur… enfin en Seine Saint Denis, j’ai essayé de nouer des relations entre la Justice et les centres de soins pour toxicomanes, parce que j’a vu des gens mourir, en prison, en dehors de la prison. Et je me suis rendue compte à l’époque que beaucoup de centres de soins pour toxicomanes attendaient que les gens viennent faire une demande et s’ils n’avaient pas une demande bien déterminée, ils n’étaient pas soignés du tout. Et donc on voyait des gens arriver à l’hôpital déjà vraiment très malades et qui n’avaient jamais été pris en charge par un centre de soins. De même les traitements de substitution pour lesquels il y avait déjà une autorisation n’étaient pas mis en place, donc ça posait de gros problèmes. Et c’est vrai que j’ai fait partie des premiers juges de l’application des peines qui ont signé des conventions avec les centres de soins, du coup les prises en charge étaient plus sérieuses. (…) Et si j’ai été nommée à la MILDT c’est parce que, je pense, ils cherchaient quelqu’un qui ait un certain nombre de compétences administratives et en même temps quelqu’un qui soit reconnu par le secteur de la santé publique, qui ait travaillé avec le secteur de la santé publique. Nicole Maestracci : cabinet Garde des Sceaux (mise en place programme d’échange de seringues), JAP (application quasi-quotidienne de la loi de 1970, notamment les dispositifs d’injonction thérapeutique)

34 « Les infractions d’usage et de détention des produits stupéfiants recouvrent des situations extrêmement diverses. Il n’y a aucune mesure, par exemple, entre le détenteur de quelques milligrammes de haschich et celui qui est trouvé en possession de quantités importantes d’héroïne. Ils commettent pourtant la même infraction. (…) La distinction des comportements d’usage occasionnel, d’abus ou de dépendance aidera à choisir entre les différentes options procédurales » Traitement différencié de formes d’addictions différentes alors que la loi ne distingue pas « les usagers de stupéfiants » : Classement avec avertissement pour les usagers occasionnels de cannabis Classement avec orientation pour les consommateurs dépendants

35 CONCLUSION  Sanitarisation ou hybridation des logiques sanitaires et pénales ?  Pour une sociologie de la profession addictologique Intro Partie 1 Conclu Partie 3 1.1 1.2 3.1 3.2 Prologue Partie 2 2.1 2.2

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38 Alors pour en revenir à ce que vous disiez, je ne sais pas ce qu’il y a comme stratégies d’individus derrière tout ça, ce qui est sûr c’est que Parquet avait une vision de santé publique, moi je l’avais un peu moins, moi j’avais par contre une bonne vision stratégique des systèmes de soins et de leur organisation, et donc ce n’est pas qu’il a voulu en faire quelque chose de politique et de santé publique, c’est que l’alcool et les toxicomanies étaient déjà des problèmes de santé publique et des fléaux, contre lesquels on luttait d’une façon qui nous a paru à l’un et l’autre inadaptée au regard des connaissances du moment. (…) Donc maintenant on a l’hospitalier, avant on avait le médico-social et la prévention, ce qui m’intéresse aussi. A la Fédération Française d’Addictologie, on nous oblige aussi à nous occuper du médico-social et de la prévention, mais avant on n’avait que ça, les hospitaliers n’étaient pas intéressés parce que c’était des fléaux sociaux. Donc je pense que la suite du mouvement de l’addictologie c’est ça, la médicaliser, l’universitariser, l’hospitaliser pour que les patients soient reconnus comme des patients normaux. Sinon ce sont des gens qui vont dans des structures médico-sociales pour lutter contre des fléaux sociaux. Bon ça, ça n’existait pas en 1999-2000, c’est venu avec le plan suivant. Mais, en même temps, on a une grosse bêtise qui a été faite par Michel Reynaud, en faisant un plan addiction, qui est un plan purement sanitaire [c’est- à-dire, pour nous, médical] et purement universitaire. (…) Si vous voulez, l'évolution pathologique de Michel Reynaud actuellement, qu’il avait déjà pendant un certain temps mais que j'arrivais à contraindre un petit peu, c'est « l’addictologie ce sont des professeurs d’addictologie, c’est le DESC d’addictologie, ce sont des institutions sanitaires d'addictologie, et c’est au maximum dans le CNU un sous- groupe addictologie ». C'est sa préoccupation, son territoire, son domaine. Alors, parce que c'est un universitaire, sanitaire, et rien que ça. Je ne suis pas arrivé à provoquer chez lui l'appropriation de l'ensemble des choses. (…) Et ceci en rupture avec Maestracci et le premier cercle de Jospin. Et ça c'était sous l'influence des vieilles associations très politisées des acteurs de la toxicomanie qui disaient que « on veut nous perdre dans ceci, on va perdre notre identité, etc. ». Donc, on a eu à ce moment-là une régression et la conceptualisation est revenue sur une approche « produit ».

39 nicolas.fortane@ivry.inra.fr MERCI DE VOTRE ATTENTION !


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