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Enseigner en secteur défavorisé : enjeux ; points de vigilance

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1 Enseigner en secteur défavorisé : enjeux ; points de vigilance
Roubaix, 29 septembre 2010 Viviane BOUYSSE Inspectrice générale de l’Education nationale

2 Plan de l’exposé Bien comprendre les enjeux Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire Points de vigilance pour tous

3 1. Bien comprendre les enjeux
1.1. Objectifs Réduire l’échec scolaire ; rapprocher les taux de réussite des élèves des secteurs défavorisés de la « réussite moyenne » des élèves français. Réduire le poids des déterminismes sociaux. Enjeu à ne pas négliger = dans un grand nombre de cas, rompre une spirale intergénérationnelle de la difficulté scolaire. « Ceux qui découvrent l’univers scolaire comme un univers relativement nouveau et étranger dépendent le plus complètement de l’école pour réussir. » - B. LAHIRE

4 1. Bien comprendre les enjeux
1.2. Les différences entre élèves : elles résultent pour l’essentiel de vécus extrascolaires différents … en matière de socialisation intellectuelle, à la fois cognitive et langagière : familiarité acquise pour certains et pas du tout pour d’autres avec le rapport au langage propre à l’école, réflexif et distancié ; … en matière d’acculturation à l’écrit : familiarité ou non avec des objets culturels ; compréhension ou non des fonctions de l’écrit (productrice d’une motivation pour se les approprier) ; ... en matière de ressources à mobiliser : pas d’usages donc pas d’acquis pour certains ; … en matière de connivence entre maison/famille et Ecole : «  double solitude » de certains élèves (B. Lahire).

5 1. Bien comprendre les enjeux
1.3. Les différences entre élèves : effets cognitifs, langagiers et sociaux de la socialisation familiale. Convergence des recherches dans ce qui permet de décrire les conduites des élèves « vulnérables » : ancrage dans l’expérience et la quotidienneté ; éloignement des usages du langage relevant de l’élaboration, de la culture écrite et cumul d’approximations linguistiques (lexique et syntaxe) ; peu d’habitude de l’objectivation, de la prise de distance ; importance des relations affectives dans la mobilisation sur les apprentissages (apprendre pour faire plaisir, prendre une évaluation négative pour un jugement sur sa personne, etc.) ; confusion entre effectuation des tâches scolaires et apprentissage des contenus de savoir (réussir // savoir pourquoi).

6 1. Bien comprendre les enjeux
1.4. Un domaine clé pour réduire les désavantages : la langue et le langage Construire un rapport au langage réflexif et distancié qui repose sur la distinction entre les genres spontanés du quotidien et les genres travaillés de l’écrit ( E. Bautier parle de « secondarisation »). Usages du langage à l’Ecole : Un outil essentiel pour communiquer : les besoins dans ce domaine dépassent et de loin ceux de la vie ordinaire ; Un outil essentiel pour (se) représenter le monde : à l’Ecole, le monde tient dans le langage (enseigner = instruire par des signes, et non par imitation de savoir-faire) ; on échange pour apprendre (des idées, des savoirs sur…) ; Un objet d’étude : il doit pouvoir être traité indépendamment de sa valeur d’usage. Ceci suppose une prise de distance avec les aspects référentiels et sémantiques.

7 1. Bien comprendre les enjeux
1.4. Un domaine clé pour réduire les désavantages : la langue et le langage suite Installer solidement des usages du langage liés à la culture de l’écrit : l’école est liée à la constitution de savoirs objectivés, codifiés, formalisés : l’accès au savoir requiert la maîtrise – explicite et consciente - de l’écrit. écrire, ce n’est pas noter de l’oral (NB : on n’écrit pas comme on parle ; « bien parler » à l’école c’est presque « écrire »). Ecrire procède d’une élaboration complexe qui suppose des modalités de pensée spécifiques (intériorisation, distance, reprise réflexive..) ; lire, c’est pouvoir mettre en œuvre des modalités de travail et des stratégies adaptées aux supports et aux objectifs ; c’est pouvoir effectuer un travail interprétatif sur/avec le texte.

8 1. Bien comprendre les enjeux
1.5. L’école primaire : les fondements de la prévention Prévention primaire Objectif = éviter l’apparition de difficultés, renforcer les facteurs de résistance face aux difficultés qui pourraient apparaître. Prévention secondaire Objectif = traiter les difficultés que l’on n’a pas réussi à éviter, pour limiter leur durée et leurs effets dommageables. Les moyens de la prévention : D’abord, la qualité des pratiques pédagogiques ordinaires. Le bon usage des temps d’aides.

9 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.1. La question clé du langage Un travail de fond (longue durée) sur l’oral : l’enjeu = l’accès à /la maîtrise de l’« oral scriptural » Langage oral en situation, langage d’accompagnement de l’action : spontané (l’oral ordinaire) Langage oral hors situation, avec prise de distance : langage d’évocation, « l’oral scriptural », l’oral en continu : proche de l’écrit dans l’explicitation même si subsistent des formes-types orales. Langage écrit : structuration syntaxique et précision lexicale maximales ; une organisation textuelle liée aux intentions et aux situations de communication Des constantes : la réception précède la production (l’enfant parle parce qu’il est dans un milieu de parleurs ; idem pour écrit)

10 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.1. La question clé du langage suite Un enseignement organisé du lexique, raisonné et systématique, qui écarte les approches accidentelles  Nourrir les mémoires verbale et sémantique : la compréhension précède et excède la production : distinction « vocabulaire actif » // « vocabulaire passif ». Organiser l’enseignement : enseigner ce que veulent dire les mots (maternelle : nommer le monde) ET enseigner comment on se sert des mots Connaître le sens des mots : problème de la polysémie (significations dépendantes du contexte : le sens découle de l’utilisation). Attention aux représentations figées. Se servir des mots : connaître leurs possibilités sémantiques (contextes d’usage : ex : opposition sec/mouillé, sec/frais ; verbes génériques : mettre, faire, aller), les caractéristiques de leur fonctionnement syntaxique (ex : construction des verbes, place des adjectifs…), les jugements sociaux éventuels sur ces mots (ex : chaussures/godasses ; bonjour/salut).

11 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.1. La question clé du langage suite L’entrée dans l’écrit (double facette) : objectifs S ’acculturer : approche patrimoniale et culturelle mais aussi approche linguistique : entendre et comprendre le français écrit (langue du récit). Comprendre des textes : au-delà de l’imprégnation, le travail se fait dans les échanges (PARLER AVEC en parlant SUR). Accéder à une des caractéristiques de l’écrit : sa stabilité, et en comprendre les ressorts : un code que tout le monde utilise de la même manière. Produire des phrases et des textes destiné à être lus : importance de la prise de distance, de la prise de conscience (passage de l’oral à l’écrit : on n’écrit pas comme on parle). Entrer dans l’étude du code : DE LA MESURE

12 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.1. La question clé du langage suite La parole magistrale, le « parler professionnel » « Parler professionnel » modélisant pour les apprentissages des élèves (cf. p.18 Doc. d’accomp.). Importance de la reformulation des propos enfantins : donner une forme correcte aux intentions de l’enfant sans le forcer nécessairement à répéter (2 énoncés parfois : au plus près de l’intention de dire et d’un niveau un peu supérieur). Importance des modes de questionnement : les questions fermées amènent au mieux des réponses en un mot ou en un complément d’énoncé ; les questions ouvertes induisent des phrases plus complètes, parfois complexes selon la question. Importance des liens langagiers opérés par l’enseignant : « c’est comme…. » (aide à la prise de distance et remobilisation/remémoration).

13 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.2. DEVENIR élève Accompagner ce processus qui se déroule tout au long de la scolarisation pré-élémentaire Côté Enfants : devenir élève = se socialiser et apprendre à apprendre avec d’autres ; acquérir les dispositions nécessaires aux apprentissages scolaires. Côté Enseignants : progressivité, souplesse et rigueur pour faire passer d’un premier mode d’apprentissage (apprentissages spontanés, incidents) à un autre, typiquement scolaire (apprentissages programmés pour lesquels on adopte une pratique contrôlée). Ne pas vouloir aller trop vite (capacités en évolution)

14 2. Points de vigilance essentiels pour l’école maternelle
2.2. DEVENIR élève suite L’enfant « apprenant » : apprendre avec d’autres Acquérir des attitudes favorables à l’étude : « se synchroniser », savoir écouter, réguler son attention ; exercer son intelligence ; réussir et comprendre ; demander de l’aide, faire des efforts. Intégrer des procédés liés à l’apprentissage scolaire en collectivité : travailler sur la base de consignes collectives ; faire un bon usage des outils de la culture écrite. Comprendre les attentes (souvent implicites) de l’école : intégrer des exigences externes ; prendre conscience de ce que l’on sait ou sait faire.

15 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.1. La maîtrise de la langue : la lecture Cycle 2 : objectif : savoir lire pour comprendre lire : identification de mots (enseignement du code grapho-phono.) ; aisance du déchiffrage ; comprendre : des mots au texte (intégration sémantique des informations) ; une démarche méthodique. Cycle 3 : objectif : savoir lire pour apprendre et pour satisfaire d’autres besoins acquisition des compétences du "lecteur expert" : automatisation du déchiffrage ; compréhension fine : inférences, interprétation ; acquisition des attitudes et des stratégies du "lecteur polyvalent" : lecture fonctionnelle, documentaire et littéraire (lecture dans toutes les disciplines). De manière longitudinale, depuis la maternelle Lecture à haute voix du maître (textes « difficiles ») - Travail de la compréhension - Elaboration d'un parcours de lecteur.

16 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.2. La maîtrise de la langue : l’écriture Cycle 2 : objectif : apprendre à écrire Acquisition des « codes » gestuels et orthographiques (on n’écrit pas seulement « comme ça se prononce ») ; débuts de la production de textes de manière autonome ; privilégier des textes courts permettant un travail méthodique. Cycle 3 : objectif : savoir écrire pour apprendre et pour satisfaire d’autres besoins écrire … (récits, descriptions, explications, justifications, etc.) pour … (destinataires et finalités variés) ; écrire en s’appuyant sur des outils bien repérés : cohérence et cohésion des textes ; « révision » des textes. De manière longitudinale, faire vivre les usages et fonctions de l’écriture Communiquer / s’exprimer - Essayer / s’essayer (écritures intermédiaires, brouillons) - Penser / Structurer / Mettre en mémoire

17 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.3. La maîtrise de la langue : l’étude du lexique, de la grammaire et de l’orthographe LEXIQUE L’extension du lexique dans l’ensemble des disciplines : lexique spécialisé mais aussi… lexique usuel « importé » ; polysémie des mots usuels = piège pour de nombreux élèves ; à partir des lectures littéraires La structuration du lexique : séances spécifiques travail sur les relations de sens et les relations qui concernent à la fois le sens et la forme ; traces et mémorisation ; ne pas négliger la question de la « définition ».

18 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.3. La maîtrise de la langue : l’étude du lexique, de la grammaire et de l’orthographe GRAMMAIRE Des exigences claires Des séances spécifiques et une programmation : on ne travaille pas la grammaire à l’occasion de rencontres de difficultés (mais on utilise des textes). Des phases de structuration des connaissances, des phases d’exercices et d’entraînement à la mise en œuvre des connaissances (savoir mobiliser à bon escient les connaissances = objectif). Un objet premier : la grammaire de phrase. Un programme étendu : porter attention à des « notions » fondamentales qui devraient acquises en fin d’école primaire : verbe ; nature / fonction ; relation sujet / verbe ; accords ; pluriel ; temps des verbes (troisièmes personnes++).

19 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.3. La maîtrise de la langue : l’étude du lexique, de la grammaire et de l’orthographe ORTHOGRAPHE Des séances spécifiques et une programmation : on ne travaille pas l’orthographe à l’occasion de rencontres de difficultés. Des phases de structuration des connaissances, des phases d’exercices et d’entraînement à la mise en œuvre des connaissances (savoir mobiliser à bon escient les connaissances = objectif). Travailler l’orthographe en liaison avec la lecture (importance de la découverte des variations – accords – dès les débuts), avec le lexique et avec la grammaire. Ménager toujours une phase de révision orthographique des textes. Savoir se relire = compétence clé.

20 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.4. Les mathématiques : le calcul Sa pratique renforce la découverte puis l’appropriation des nombres et de leurs propriétés. Le calcul est formateur de la mémoire. Le calcul est formateur du raisonnement. Il y a une intelligence dans le calcul Une certaine maîtrise du calcul est indispensable au citoyen. Le calcul est indispensable aux autres sciences.

21 3. Points de vigilance essentiels pour l’école élémentaire
3.5. Les mathématiques : la résolution de problèmes Elle fait l’objet d’un apprentissage explicite. Elle est présente dans tous les domaines. Elle s’exerce à tous les stades des apprentissages. Toute résolution de problème mathématique engage 4 grandes composantes, chacune à des degrés plus ou moins fort. La compétence générale "résoudre un problème" est atteinte si l'élève est capable d'articuler en autonomie ces quatre composantes. Rechercher et organiser l'information. Engager une démarche, raisonner, argumenter, démontrer. Calculer, mesurer, tracer… (mettre en œuvre des procédures). Communiquer à l’aide d’un langage mathématique adapté.

22 4. Points de vigilance pour tous
4.1. Des pratiques à éviter absolument celles qui réduisent la complexité, qui effacent les obstacles (cadrage trop fort) Morcellement et surencadrement : activité intellectuelle des élèves à peu près nulle. Facilitation et limitation des tâches valorisant les aspects les plus procéduraux. Ex : lecture fonctionnelle de textes simples (effacement de ce qui justifie l’Ecole, la triple dimension patrimoniale, cognitive et subjective) Risque de dénaturation des savoirs celles qui privent les élèves de toute « clarté cognitive » : le déficit d’explicitation (cadrage trop faible) Problèmes quand les objets d’apprentissage, les enjeux cognitifs des tâches, les registres des activités langagières ne sont pas identifiés et compris. Attention à l’ancrage dans l’expérience personnelle.

23 4. Points de vigilance pour tous
4.1. Des pratiques à éviter absolument suite celles qui enferment dans l’expérience, le vécu (problème de l’absence de distanciation) ; celles qui réduisent les situations d’apprentissage à la mise en activité seule : le moteur des apprentissages est dans la prise de conscience, dans une activité cognitive de reconfiguration – cf. la secondarisation -, pas dans l’activité ; Opérations de pensée, modes de raisonnement, usages du langage sont liés. celles qui mobilisent trop le travail hors de la classe (problème de l’expertise requise pour les « tuteurs »).

24 4. Points de vigilance pour tous
4.2. Savoir étayer (guider, aider) Composantes de l’étayage (cf. Bruner : cadre théorique précis) : enrôlement : soutenir l’intérêt de l’élève face aux tâches scolaires ; orientation : s’assurer que l’élève ne s’écarte pas du but ; réduction des degrés de liberté : simplifier, prendre en charge certains aspects du travail ; mise en évidence des caractéristiques critiques de la tâche : attirer l’attention sur des aspects particulièrement importants ; contrôle de la frustration : éviter la démotivation ; présentation de modèles : démontrer, détailler les étapes. Et savoir « desétayer » : la réussite assistée n’est pas la réussite ; phase clé = réduction progressive des aides pour aboutir à la réussite autonome.

25 4. Points de vigilance pour tous
4.3. Savoir mettre en place une relation d’aide Construire, en situation scolaire, une relation de confiance et d’encouragement afin de redonner sens à l’effort de l’élève ; l’ordinaire de la classe ne doit pas être discordant par rapport aux moments d’aide. Importance d’entretiens qui se distinguent nettement du dialogue didactique traditionnel. Objectifs = permettre aux élèves de prendre de la distance, de prendre conscience de leurs succès comme de leurs échecs, d’en percevoir certaines causes pour les reproduire ou, au contraire, éviter de le faire. Un échange qui aide est un échange qui, progressivement, conduit l’élève à ré-exercer du contrôle sur son travail, à lier effort, stratégies et résultats.

26 4. Points de vigilance pour tous
4.4. Instaurer une collaboration avec les parents, au besoin avec les partenaires Connivence rompue ou délégation totale de confiance : ré-impliquer la famille dans la scolarité. Alliance d’autant plus nécessaire et plus facile que l’enfant est petit ; des relations à entretenir après l’école maternelle. Une communication régulière, qui suppose parfois des aides extérieures (langue) : informer, expliquer, indiquer comment accompagner le parcours scolaire. S’appuyer sur les partenaires pour les activités sportives et culturelles sans externaliser les apprentissages.

27 4. Points de vigilance pour tous
4.5. S’appuyer sur le travail en équipe pour garantir la continuité et la cohérence des parcours d’apprentissage Formaliser continuité et cohérence grâce à la commu- nication entre enseignants : Autour de l’évaluation : donner des informations utiles. Autour de l’apprentissage : des outils de continuité pour les élèves.

28 Conclusion Enjeu fort = dans un grand nombre de cas, rompre une spirale intergénérationnelle de la difficulté scolaire d’abord liée à des usages restrictifs du langage, à une maîtrise linguistique défaillante, qui ont des conséquences sur l’éducation des enfants. Jouer sur la durée du parcours scolaire, sur la cohérence et la continuité du cadre de référence donnée par le socle commun. Ne rien céder sur l’ambition d’une irréversibilité des acquis de base même pour les plus fragiles.


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