Nicolas Danglade enseignant en CPGE La France qui change … dans un monde qui change Une lecture à partir de l’entreprise UTLM 2017-2018 Nicolas Danglade enseignant en CPGE www.eshcamillevernet.com Rubrique UTLM
L’entreprise, au cœur des changements Transformations : de la structure productive de la population active (main d’œuvre) de l’emploi (la relation salarié / employeur) dans l’espace (géographie)
1. Transformations de la structure productive Distinguer activités industrielles et activités de service = production matérielle vs production immatérielle Tendance depuis 1970 : la tertiarisation de l’économie, la part des activités de services augmente Disparition de l’industrie ? La société post-industrielle ?
La place de l’industrie dans l’économie française 1974: 6,5 millions d’ouvriers en France
Évolution de la production manufacturière ?
En 25 ans Emploi = - 1 million Part dans la valeur ajoutée = -10 pts de % Mais une production en volume qui n’a pas baissé La place de l’industrie recule mais elle ne disparaît pas = une économie qui se développe autrement
Évolution de la production manufacturière ?
Comment expliquer que l’emploi industriel diminue alors que depuis 1990 le volume de la production n’a pas baissé?
Transformations de l’industrie depuis 25 ans Depuis les années 1990 : Découpage de la chaîne de valeur et recentrage sur les activités à forte valeur ajoutée L’externalisation de certaines activités de services (sous-traitance) L’externalisation des activités de production vers des lieux de production où la compétitivité prix est supérieure La compétitivité « hors-prix » impose des activités de service aux entreprises industrielles
Transformation des organisations productives ? Découpage de la chaîne de valeur : fin de l’intégration verticale de l’entreprise Recherche et développement Design Marketing Fabrication / assemblage Communication Vente Etc … Le production de biens manufacturés se concentrent sur des tâches de service
B) Depuis les années 2000 : accélération des gains de productivité
Hausse des gains de productivité ? Pté = Production / facteurs Produire la même quantité, plus vite Baisse des prix / hausse pouvoir d’achat
Comment expliquer que la baisse des prix des biens manufacturés n’entraîne pas une hausse de la demande / une hausse de la production ?
Hausse des gains de productivité ? (Pté = Production / facteurs) Baisse des prix / hausse pouvoir d’achat Impact > 0 sur la demande de biens industriels ? La baisse des prix permet d’acheter plus de … services La consommation se tertiarise Les producteurs nationaux ne sont pas assez compétitifs : + demande = + d’importations
Paradoxe de l’industrie : Des gains de productivité importants mais un coût par unité produite qui reste élevé = limite la compétitivité prix Les entreprises sont placées sur du bas et moyen de gammes Or, le coût salarial est relativement élevé en France par rapport à d’autres pays (Espagne)
Comment expliquer la hausse de la consommation si la production augmente faiblement ?
Début 2000: conséquence de l’intégration européenne (zone euro) Union économique et monétaire Circulation de capitaux et de marchandises au sein de l’UE en hausse Les flux de capitaux rentrent en France Les producteurs français sont concurrencés par l’Espagne et distancés par l’Allemagne Financement de l’économie Importations Crédits Déficit commercial
Une transformation du système financier Une capacité plus importante à pouvoir se financer à l’extérieur Hausse de l’endettement extérieur
Situation de la structure productive Tertiarisation de la production Gains de productivité dans l’industrie Hausse plus rapide de la demande de services Manque de compétitivité prix Les entreprises industrielles externalisent les activités à faible valeur ajouté (à des entreprises de services) Elles s’appuient sur des activités de services pour être compétitives = frontières industries/services s’estompent
Enjeu : comprendre les grandes transformations contemporaines de l’économie française La semaine dernière : les évolutions du système productif Recul de l’industrie ?
Recul de la part de l’industrie dans le PIB Recul de l’emploi industriel = la fin de l’industrie ? La position des économistes 1) Problème : La productivité est plus élevée dans l’industrie La R&D est plus élevée = impact négatif sur les sources de croissance Débat 2) Mais La désindustrialisation masque un recours croissant aux services dans l’industrie = l’industrie se tertiarise Les indicateurs statistiques ne le voient pas 3) Une industrie de moyen/bas de gamme : De gains de productivité importants Mais une demande qui augmente peu (explique la baisse de l’emploi sans baisse de la prod) : Pourquoi : offre trop chère et manque d’innovation
l’industrie automobile ne l’est pas » Pierre Veltz, La société hyper-industrielle, La République des Idées, Seuil, 2017 Peter Schwarzenbauer, président de BMW : « La mobilité est un besoin humain ; l’industrie automobile ne l’est pas »
2. Transformations de la population active Classification des PCS : Ouvriers Employés Professions intermédiaires Cadres, professions intellectuelles supérieures Artisans, commerçants, chefs d’entreprises Agriculteurs exploitants
Si l’économie se tertiarise, on s’attend à voir la part des employés augmenter
Évolution de la population active
Évolution de la population active
Aujourd’hui Le salariat : 90% Les non-salariés : 10% La part des PCS qualifiés et très qualifiés augmente : près de 45% de la population active aujourd’hui Le salarié se diversifie : très net recul de la part des ouvriers
Débat actuel sur l’évolution des caractéristiques de la population active Assiste-t-on à un « écrasement des classes moyennes » ? - Le débat vient des Etats-Unis : recul des ouvriers qualifiés et des professions intermédiaires Sources : progrès technique et découpage international de la chaîne de valeur des firmes US - En France : recul des OQ mais pas des PI
Les conséquences sur le management Avec la hausse du niveau moyen de qualification = le management des entreprises a évolué Sortir du modèle taylorien (vertical) Davantage d’autonomie, de responsabilités Individualisation croissante des tâches et des salaires = à l’encontre de la tendance des années 1950/1970 : construction des accords collectifs et l’élaboration d’un droit social qui servent de matrice commune aux salariés
L’individualisation croissante : effet ambivalent Fin de l’aliénation au travail Apparition de la souffrance au travail : souffrance psychologique et enjeux de la reconnaissance du travail individuel
3. Les transformations de l’emploi Deux ouvrages de Robert Castel Les métamorphoses de la question sociale, 1995 L’insécurité sociale 2003
L’emploi ? Apparition du contrat de travail : le contrat de louage (Révolution française) 19ième : développement des premières formes de protection sociale + développement du droit du travail 20ième : + développement négociations collectives Après 1945 : le contrat de travail change profondément de nature
L’Emploi, une forme de travail particulière Signer un contrat de travail : obtenir des droits associés à un statut professionnel Cadre collectif du droit du travail + protection sociale La relation salariale = désindividualisée / elle rentre dans un cadre collectif La relation salariale = démarchandisée Débat entre syndicats sur la manière de créer ce cadre collectif : approche centralisée vs démocratie sociale
Le CDI devient l’emploi typique 1960 : volonté des employeurs de garder leur main d’œuvre 1980 : volonté des salariés d’être durablement inscrit dans l’activité de l’entreprise = le contenu juridique du CDI évolue ; il va de plus en plus se distinguer des autres formes de contrat de travail L’emploi qualifié de typique/commun : CDI à temps plein avec un seul employeur
Avec la montée du chômage 1970 : nouveaux droits pour les titulaires des CDI = fournir une preuve réelle et pertinente du licenciement; indemnités de licenciements; autorisation administrative de licenciement (supprimée en 1986) Loi de 1982 : consacre le contrat en CDI comme le contrat typique / celui qui fait référence
Durant les années 1980 : construction juridique des contrats à durée limitée (CDD et intérim) = établir une distinction très nette CDI/CDD: Situation totalement différente des années 1960
L’emploi typique : Faire carrière toute sa vie dans la même entreprise Cette construction de l’emploi typique se fait au moment où le chômage de masse apparaît et la hausse des emplois atypiques s’accélère
Les contrats atypiques : CDD et intérim (CDL) + temps partiel Les CDL : 5% salariés en 1982 Les CDL : 12 % des salariés aujourd’hui Les CDL : 90 % des emplois créés chaque année Ne pas confondre : le stock d’emplois et le volume d’emplois créés Le temps partiel : 6% des salariés en 1982 Le temps partiel : 18% des salariés aujourd’hui
Qui sont les actifs en CDL ? Les CDL : essentiellement concentrés sur les ouvriers non qualifiés Le temps partiel : essentiellement concentré sur les employées non qualifiés Les contrats à durée limitée + le chômage : ne touchent pas au hasard les PCS
Et les jeunes ? Jusqu’en 2010 : rôle primordial du diplôme + effet de fil d’attente À partir de 2010 : rôle primordial du diplôme mais l’effet de fil d’attente disparaît Les jeunes les moins qualifiés font des « carrières » en CDL Les jeunes les plus qualifiés intègrent directement l’emploi en CDI
Le travail intègre-t-il encore ? Deux problématiques Un marché du travail coupé en deux : Des CDI « protégés » / intégrés dans l’entreprise Des CDL mal protégés qui jouent le rôle d’emploi flexible s’adaptant au cycle économique (est-ce que plus de flexibilité peut faire baisser le taux de chômage de ces catégories ?) CDI et CDL existaient déjà 1960’s mais pas de segmentation
Emploi et entreprise Une segmentation de la population active Une grande partie majoritaire qui reste durablement intégrée dans l’entreprise Une petite partie minoritaire qui passe de CDL en CDL, de CDL au chômage, travail à temps partiel …
Emploi et exclusion Si on articule intégration par la stabilité de l’emploi et intégration par la satisfaction du travail, 4 figures du travail intégrateur Intégration « assurée » Emploi stable mais insatisfaction au travail Emploi précaire mais satisfaction au travail Emploi précaire et insatisfaction au travail
La frontière salariés / non-salariés s’estompe Essor de la pluriactivité chez les salariés : surtout le cas chez les cadres = remet en cause un principe du salariat : la subordination Essor des plateformes bifaces : Uber Essor de la microactivité
Les plateforme bifaces : Elles mettent en relation des clients et des fournisseurs de services Le fournisseur du service : statut d’autoentrepreneur
Dans cette relation de travail : Le travailleur possède ses moyens de production Il a un statut d’indépendant Mais C’est la plateforme qui apporte les clients = il dépend de la plateforme La plateforme peut lui demander de respecter certaines normes …
Une relation purement contractuelle alors que le travailleur est dépendant de son donneur d’ordre « Retour » au domestic system / putting out system des premiers âges du capitalisme industriel
Les plateformes bifaces font disparaître l’entreprise (telle qu’on la conçoit depuis le 19ième siècle) Uber : 1000 salariés / 1 000 000 de « collaborateurs »
En résumé Une part croissante (mais toujours minoritaire) des actifs qui ne sont pas dans l’emploi typique: donc tenus éloignés des protections qu’il procure : Les salariés en CDL, temps partiel subi = les outsiders (environ 15%) Des salariés très qualifiés qui multiplient des missions ou des indépendants qui travaillent pour un donneur d’ordre unique (environ 3%)
4. Les transformations géographiques de l’emploi Les transformations des organisations productives = conséquences sur les territoires Métiers les plus routiniers = susceptibles d’être remplacés par des machines : dans les villes de taille moyenne ! Les métiers qui recrutent le plus : dans les grandes villes/ métropoles Effet d’agglomération de l’emploi qualifié