Les relations collectives de travail au défi de l’entreprise-réseau Esteban Martinez METICES emartin@ulb.ac.be
L’entreprise entre « hiérarchie » et « marché » ?
L’alternative « hiérarchie » vs « marché Du point de vue de la nouvelle théorie économique, l’entreprise constitue un mode de coordination économique alternative au marché Sur le marché, coordination réalisée par le système des prix Dans l’entreprise : coordination administrative (par la hiérarchie) Question : comment assurer l’efficacité économique de l’entreprise ? À travers l’internalisation d’activités techniquement séparables (hiérarchie) -> risques bureaucratiques À travers l’externalisation (distribution) des unités constituant la « chaîne de valeur » (prix) -> coûts de transaction Crédo managérial (-> 1970): la grande entreprise intégrée capable de réaliser des économies d’échelle (intégration verticale et horizontale) en s’appuyant sur une croissance de nature patrimoniale Années 1980 -> Organisations en réseau (solutions intermédiaires entre « hiérarchie » et « marché ») Transformation des structures, mais même objectif : contrôler la « chaîne de valeur ».
La grande entreprise : Big is efficient La « main visible des managers » se substitue à la « main invisible des forces du marché » dans la tâche de coordonner les activités économiques et de répartir les ressources. Capacité de contrôle de l’environnement : permet de parvenir à une meilleure coordination des activités de production & distribution et d’exercer une domination sur les marchés. Flexibilité stratégique : pénétration de nouveaux marchés via la création de nouvelles divisions; structure favorable à la diversification et à la variété. Capitalisme managérial : Séparation de la propriété (actionnaires) et de la gestion stratégique et opérationnelle Perspective de stabilité et de croissance à long terme (stakeholders) plutôt que maximisation des profits à court terme Relations collectives de travail : norme d’emploi standard, unicité de l’employeur
Grande entreprise structurée en divisions internes (réseau = business lines) Frontière juridique de l’entreprise X X X X X X X X Business lines = quasi entreprises X X X
La forme multi-divisionnelle 1 Modèle forme U = quasi firme Direction générale centralisée 2 Divisions par activité Chimie - Transformation plastiques - Spécialités Départements fonctionnels 3 R&D Production Distribution Gestion R&D Production Distribution Gestion R&D Production Distribution Gestion Les divisions par activité sont autonomes et spécialisées (par ligne de produits par exemple : business units). Chaque division a sa structure fonctionnelle : elle fonctionne comme une firme. La direction générale assure la cohésion et la planification de l’ensemble. Le niveau 1 regroupe les services centralisés de la direction générale : les cadres supérieurs sont chargés d’activités fonctionnelles et opérationnelles. Le niveau 2 est celui des divisions par activité : pour chaque activité on retrouve une structure du type U. Le niveau 3 est celui des départements fonctionnels (relégués au niveau de chaque activité, par rapport à la forme U). Le niveau 4 est celui des unités opérationnelles. La forme M s’est progressivement imposée d’abord aux Etats-Unis dans les années 1920, dans deux grandes firmes General Motors et Dupont de Nemours (Chimie), comme modèle dominant parce qu’elle assure une plus grande souplesse, une intégration verticale plus facile et une meilleure coordination des unités de production. Elle conduira à l’apparition desz conglomérats et des grandes firmes multinationales actuelles. C’est une structure à la fois centralisée et décentralisée. Concentration du pouvoir et décentralisation des décisions. Différenciation et intégration. 4 Unités opérationnelles
Années ‘80 : les entreprises changent … AOKI 1984. Le modèle japonais de production allégée Dans le contexte contemporain d’une production variée et de marchés incertains, la structure souple et horizontale de la firme J serait plus efficiente que la firme A fordiste (adaptée à la production de grandes séries standardisées pour des marchés croissants) ATKINSON 1984. Le modèle de la firme flexible Rend compte d’une structuration de l’entreprise et d’un mode de gestion de l’emploi permettant le renvoi des risques et de l’incertitude à la périphérie (différenciation des statuts d’emploi, sous-traitance et approvisionnements externes) PIORE & SABEL 1984. Les districts industriels Performance de structures productives basées sur un tissu dense de PME spécialisées dans un territoire donné, définissant des pôles de compétitivité et ayant une capacité d’adaptation rapide au marché. MINTZBERG 1987. Adhocracy Entreprise décentralisée et dynamique où des « experts » travaillent en équipe sur des projets de durée limitée et se dissolvent ensuite pour monter d’autres projets. THORELLI 1986. Le réseau, entre marché et hiérarchies Réseau constitué par des relations d’échange suffisamment fortes pour créer une sorte de sous-marché contractuel, dominé par des firmes-pivot.
L’entreprise - réseau Les diverses activités qui constituent la chaîne de valeur d’un produit sont « distribuées » entre diverses entreprises Justification : « se recentrer sur son métier de base » Concentration capitalistique sans centralisation du pouvoir (cf SENNETT) Gouvernement de l’entreprise : persistance d’un effort structuré de contrôle des chaînes d’activité distribuées Dissociation de l’entreprise et de l’espace organisationnel Des groupes de travailleurs aux statuts inégaux et relevant d’entreprises diverses se côtoient dans un même espace organisationnel Problématique de la sous-traitance internationale (offshore) Sous-traitance in situ Relations triangulaires d’emploi Figure de la relation d’emploi intérimaire Généralisation : atypisme de l’emploi quand l’employeur de jure n’est pas l’unique prescripteur du travail
Dissociation de l’entreprise et de l’espace organisationnel X x x donneur d’ordre x x x Xx xx x xx x x x x xxx
Relations « triangulaires » de travail Contrat commercial(cahier de charges) Employeur firme sous-traitante Firme cliente Contrat de travail Détermination directe ou indirecte des conditions de travail Salarié
Des réponses collectives Responsabilité sociale des entreprises Respect des salariés de la sous-traitance Appel à la RSE des entreprises clientes (« mieux disant ») Renforcement du niveau sectoriel de la négociation collective Normes sectorielles pour le recours à la sous-traitance Socle de garanties communes pour les travailleurs des « donneurs d’ordre » et des « sous-traitants » Organisation du contrôle des lieux de travail dispersés (chantiers) par la délégation syndicale Organisation de la concertation sociale à l’échelle des sites et des territoires Délégués itinérants (Suède) Communauté de travail (France) Vers un syndicalisme de réseau ?
Responsabilité sociale des entreprises Exemple : campagne du secteur belge du nettoyage en faveur du travail « en journée »
Du point de vue des relations collectives : relations quadrangulaires Employeur (prestataire de services) Employeur (utilisateur, client) Contrat commercial Contrôle (cahier charges, in situ) Relations illégitimes ! Négociation (salaires, temps, conditions de travail) Réseau syndical Syndicat Syndicat